«La fronde anti-voiture remplit nos parkings»

MOBILITE • Effet collatéral de la diminution du nombre de places en surface, les parkings souterrains lausannois connaissent un succès sans précédent. Ce que confirme Johnny Perera, le directeur de la société Inovil qui gère ceux de La Riponne, du Valentin et du Rôtillon.

  • Johnny Perera est favorable à une piétonnisation de l’hypercentre lausannois. MISSON-TILLE

    Johnny Perera est favorable à une piétonnisation de l’hypercentre lausannois. MISSON-TILLE

Lausanne Cités: Vous gérez 1080 places de parking au centre-ville de Lausanne, comment vivez-vous la récente fronde anti-voiture?

Johnny Perera: Cette fronde a pour effet de remplir nos parkings, ils n’ont jamais connu une aussi bonne fréquentation, c’est tout le paradoxe. Ceci s’explique, notamment, par une croissance ininterrompue du parc automobile dans le canton de Vaud. Il a augmenté de l’ordre de 40% entre 2000 et 2020.

Pourtant le nombre d’immatriculations baisse, on entend que le permis de conduire n’est plus la priorité des jeunes et que la voiture ne fait plus rêver, le parc automobile devrait donc diminuer…

Ce qui a changé, c’est que les jeunes ne passent plus leur permis à 18 ou 20 ans. Cependant, dès qu’ils rentrent dans leur vie professionnelle, un jour ou l’autre, ils doivent le passer. Ce que tout le monde oublie, c’est la durée moyenne de détention d’un véhicule. Elle est passée de 6,9 à plus de 9 ans aujourd’hui. En effet, les véhicules actuels roulent facilement plus de 200'000 kilomètres s’ils sont bien entretenus. En outre, les automobilistes ne savent pas quand ils doivent changer leur véhicule pour passer à l’électrique ou s’il vaut mieux attendre.

Il y a aussi la croissance démographique vaudoise qui joue un rôle…

Bien entendu, elle est l’une des plus fortes de Suisse. Il faut également rappeler que la population ne cesse de vieillir. En 2050, un Vaudois sur deux sera à la retraite. Ces seniors ont beau être en bonne forme, je les vois mal tous se balader en vélo électrique ou trottinette. C’est tout le problème car actuellement le réseau routier est clairement saturé, il appartient donc aux plus jeunes d’opter pour la marche ou la petite reine pour leurs déplacements afin de laisser la place à ceux qui ont vraiment besoin d’utiliser leur voiture, que ce soient les personnes âgées ou celles à mobilité réduite.

En résumé, la politique lausannoise consistant à supprimer de nombreuses places de parc en surface vous sert?

Oui, c’est évident. Les automobilistes optent pour des parkings souterrains car ces derniers sont sécurisés, chauffés, moins chers que ceux en surface et ils offrent une place quasiment garantie sans faire dix fois le tour du quartier. Sans oublier que les automobilistes ne risquent pas d’y recevoir une amende s’ils dépassent leur temps de parcage de cinq minutes.

Sur LFM, vous avez déclaré que la Ville vous écoute, mais ne vous entend pas, pourquoi?

C’est en train de changer, les autorités lausannoises commencent à prendre conscience de certaines réalités, mais ce que je leur demande c’est d’avoir une stratégie à long terme, coordonnée avec les différents acteurs de la mobilité et les commerçants.

Elle pourra surtout le faire quand elle reprendra les parkings souterrains…

Ce n’est pas pour tout de suite. Elle récupérera le droit de superficie de Montbenon en 2026. En ce qui concerne les parkings de la Riponne en 2050 et du Rôtillon, les droits de superficie courent respectivement jusqu’en 2059 et 2083.

En attendant, les autorités mettent le paquet pour développer des transports publics performants, cela ne suffit pas?

Je rappelle juste que selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), 72% des kilomètres parcourus sont actuellement faits par le transport privé. Les trams et les bus ne représentent que 4% donc même si on double ce chiffre, cela ne fera toujours que 8%. Les gens disent qu’il faut prendre le train, mais les CFF ont déjà annoncé qu’en 2030, ils n’arriveront plus à absorber la croissance de la population et donc de leurs usagers.

Quelles sont vos solutions pour faire baisser la tension croissante entre les automobilistes, les cyclistes ou les piétons?

Il faut favoriser la cohabitation entre les divers modes de transport et tordre le cou aux idées reçues. Par exemple, il n’y a pas plus de vélos aujourd’hui que de vélomoteurs dans les années 80. Cependant, il me semble essentiel de créer des bandes cyclables complétement indépendantes plutôt que de vouloir partager le même morceau de bitume. Cela augmenterait la sécurité des cyclistes, qui roulent sans assurance RC, et inciterait davantage à se tourner vers la mobilité douce.

La rue Centrale va devenir piétonne, le Conseil communal l’a validé, cela va-t-il impacter l’avenir du parking du Rôtillon?

Au contraire, les gens seront heureux de se parquer à proximité d’un quartier vivant avec de belles terrasses, des arbres et des animations. Je suis favorable à un hypercentre lausannois piéton où il fait bon faire ses achats et flâner en toute sécurité.

La Municipalité souhaite la fin des voitures thermiques à l’horizon 2030, allez-vous multiplier les bornes de recharge électrique dans vos parkings?

Cette interdiction des voitures thermiques est de la compétence de l’OFROU donc en communiquant cette date, la Ville souhaite simplement inciter les habitants à opter pour une voiture électrique. Je ne crois pas à une borne de recharge pour une voiture. Les premiers tests sont en cours avec des robots qui viendront pluguer les batteries à votre véhicule, c’est plus efficace, moins onéreux à installer et les batteries peuvent se charger durant les heures creuses.