Des milliers d’excréments affluent à Lausanne

RECHERCHE • L’UNIL participe à un projet international qui vise à stocker les microbes de nos intestins. L’enjeu est de taille: la collection de ces microbes en provenance du monde entier permettrait de traiter de nombreuses maladies non transmissibles.

 

Peut-être ne le saviez-vous pas. Mais nos excréments ont une très grande valeur scientifique. Dans notre intestin en effet, prolifèrent un très grand nombre de microbes, virus, bactéries, etc. C’est ce que l’on appelle le microbiote et la recherche a établi que sa composition joue un rôle très important dans la survenue de nombreuses maladies non transmissibles, comme l’obésité, le cancer, ou les maladies cardio-vasculaires. En clair un «bon» microbiote est gage de bonne santé tandis qu’un «mauvais» microbiote, non équilibré, implique un risque plus élevé de déclarer certaines maladies. Seulement voilà. Notre microbiote s’appauvrit. Sa diversité microbienne est mise à mal, principalement en raison de nos modes de vie modernes: stress, sédentarité, nourriture uniformisée et standardisée, prise d’antibiotiques, influent en effet sur sa composition…

Avant qu’il ne soit trop tard…

C’est de ce constat qu’est né le projet international «Microbia Vault» (coffre-fort du microbiote), dans le but de constituer une sorte de banque mondiale de nos excréments. «Préserver le microbiote maintenant nous permet de conserver sa «richesse» avant qu’il ne soit trop tard, explique Pascale Vonaetsch, professeure assistante au département de microbiologie fondamentale de l’Université de Lausanne, très impliqué dans le projet. Nous avons observé une diversité microbienne beaucoup plus élevée chez les peuples vivant encore à l’abri de la globalisation et avec un mode de vie plus traditionnel. L’idée de conserver est de pouvoir revenir à ces bactéries pour les étudier, étudier leur lien avec les maladies et - peut-être - les réintroduire à un moment ou un autre dans le microbiote appauvri afin de normaliser sa composition». Financé par différentes fondations dont Seerave, Geber Rüf, Rockefeller et Oak, le Microbia Vault vise donc à stocker et conserver les microbiotes de l’homme avec pour objectif la santé humaine des générations futures. En charge de la phase pilote avec trois autres groupes, le laboratoire de microbiologie de l’Université de Lausanne a la responsabilité d’établir des protocoles pour conserver aux mieux ces microbiotes et de travailler avec les collections dans les pays à faibles revenus qui aimeraient déposer leurs échantillons dans le Vault. «La Suisse est un pays neutre, stable, avec une très bonne infrastructure et de la recherche de pointe, tous ces critères ont fait qu’elle a été choisie pour accueillir cette phase pilote» ajoute Pascale Vonaetsch.

2000 échantillons…

Résultat: les modes de vie et les régimes alimentaires différant d’un pays et d’une culture à l’autre, des échantillons d’excréments affluent du monde entier, afin de mieux incarner la diversité du microbiote humain. Stockés dans un premier temps à l’Université de Zürich, puis à plus long terme dans une structure dédiée, les échantillons sont conservés à température très basse. «Nous pratiquons actuellement les études pour identifier les conditions qui permettront de conserver au mieux ces communautés bactériennes, ajoute Pascale Vonaetsch. Nous visons 2000 échantillons pour la phase pilote et environ 200’000 échantillons dans la banque totale. L’échéance dépendra bien sûr de la phase pilote et de la contribution de la communauté globale pour établir ces collections».