«A près de 80 ans, je ne suis toujours pas lassé, mais je commence à fatiguer»

SPORT • Ancien coureur cycliste, Michel Vaucher tient depuis plus de 40 ans un magasin de cycles à Lausanne. En route vers ses 80 ans, cette figure incontournable de la vie locale songe à passer la main. Non sans quelques appréhensions.

  • Michel Vaucher dans son antre dédié à la petite reine. MISSON-TILLE

    Michel Vaucher dans son antre dédié à la petite reine. MISSON-TILLE

Il est là, à m’attendre. Du haut de son mètre 85, dans son magasin du numéro 16 de l’avenue Recordon, encombré de vélos, d’articles de sports et de photos. Comme toujours le sourire aux lèvres, le regard malicieux et la poignée de main facile. L’homme se dit timide, mais il a le sens du contact. A Lausanne, dans le petit monde du cyclisme, mais dans des cercles bien plus larges aussi, Michel Vaucher est connu comme le loup blanc. Pas seulement parce qu’il vend et répare des cycles depuis de nombreuses années, mais parce qu’il a contribué, à travers diverses actions, à rendre le vélo populaire, et aussi parce qu’à la fin des années 70, il a figuré parmi les 10 meilleurs coureurs élites suisses. Avec, à son actif, la participation à plusieurs courses de renom, qui lui ont permis de côtoyer les stars de l’époque: Jacques Anquetil, Raymond Poulidor ou encore l’Allemand Rudi Altig, champion du monde en 1966.

Une passion de la première heure

Vous l’aurez compris, pour Michel Vaucher, le vélo, c’est une passion. Et comme Obélix, il est tombé dans le chaudron de potion magique alors qu’il était encore tout petit, en écoutant d’abord les exploits de son papa, Emile, pro de la petite reine lui aussi. «C’était un grimpeur», se souvient-il. «Un petit gabarit. En 1940, il avait notamment terminé deuxième du premier A travers Lausanne, juste derrière celui qui était le grand champion de l’époque, Ferdi Kübler. C’était un compétiteur qui était aussi excellent sur piste. Alors à la maison, on parlait vélo, on mangeait vélo et on dormait vélo.»

D’un magasin à l’autre

C’est donc bien ce père sportif qui lui a transmis le virus, la soif des victoires et l’esprit de la gagne. «C’était une suite logique», résume Michel Vaucher qui, durant 14 ans, dont deux comme professionnel indépendant, chez Tigra, puis chez Jean de Gribaldy, célèbre directeur sportif de l’époque, ou encore pour le groupe Cilo, va sillonner à son tour les routes suisses et européennes. Suite à des problèmes de santé qui prendront la forme d’un tassement des vertèbres et, surtout peut-être, à la disparition prématurée de son père, à l’âge de 57 ans, il mettra un terme à sa propre carrière en 1974. «Après la route, je suis devenu pistard, explique-t-il. Mon père était mon entraîneur. Quand il est décédé, j’ai perdu le feu sacré. Je n’avais plus envie de rien. J’ai arrêté le vélo.»

Celui qui était électricien de profession s’est ensuite essayé à divers métiers, mais il reviendra toutefois au vélo quelques années plus tard en ouvrant, en 1979, un magasin de cycles, à l’avenue d’Echallens. L’aventure durera un peu plus d’une trentaine d’années. L’opportunité de pouvoir vendre ce magasin, qu’il avait acheté, le fera se déplacer l’année suivante un peu plus loin, à l’avenue Recordon 16, où il a finalement trouvé un nouveau local, à louer cette fois. «Je l’ai transformé, je l’ai nettoyé, j’ai tout refait. Et m’y voilà depuis 10 ans!», commente-t-il. Dix ans passés à accueillir encore et toujours les clients et à soigner leurs montures, tout en restant très actif dans le milieu cycliste, notamment durant de nombreuses années en tant que président de la Commission des Vélodromes romands.

Le temps de décrocher

Mais le temps passe. Vite, trop vite! «En mars 2024, j’aurai 80 ans», dit-il en souriant. «Je ne suis pas lassé, mais je sens le vent venir». Je commence à être fatigué et il est peut-être temps que je songe à mettre la clé sous le paillasson». Mais pour cela, il faut trouver quelqu’un qui reprenne le magasin. «Une personne passionnée, sérieuse, qui aime le travail bien fait et qui soit un bon mécano», résume-t-il. Car le métier a fortement évolué ces dernières années, notamment avec le développement du vélo électrique. Il cherche quelqu’un à son image en fait, mais il n’a pas encore trouvé la perle rare qu’il se dit prêt à accompagner à ses débuts. L’appel est lancé.

En attendant, Michel Vaucher continue son labeur, jour après jour, bichonnant les vélos qui lui passent entre les mains, comme il l’a toujours fait, guidé par la passion.