Orthographe rectifiée: un coup de gueule inutile! La polémique de la semaine

LANGUES • Contrairement à une majorité de cantons romands, celui de Vaud ne veut pas de l’orthographe rectifiée. Sa majorité de droite au Parlement demande un moratoire sur cette réforme.

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Le canton de Vaud sera-t-il le seul canton romand, à l’exception peut-être de celui de Genève qui ne s’est pas encore prononcé, à ne pas introduire l’orthographe rectifiée dans son programme scolaire 2023? Lors de leur séance du 7 février dernier, une majorité de députés de droite a en tous cas fait barrage à l’introduction de ce système destiné à «mettre fin à certaines incohérences graphiques du français et à des hésitations chez l'usager.»

Une orthographe simplifiée

Cette réforme a été validée en France dans les années 1990 déjà sur la base des recommandations du Conseil supérieur de la langue française qui ne l’a pas rendue obligatoire, mais constituant un «changement de la norme officielle». En Suisse, son introduction est due à la Conférence intercantonale de l’instruction publique (CIIP) après un examen approfondi de la situation chez nos voisins français, belges et québécois. Son but: simplifier l’écriture, uniformiser les règles et éliminer certaines anomalies afin de réconcilier les plus jeunes avec l'orthographe. Exit donc les accents circonflexes, les traits d’union et les tirets des chiffres composés. Désormais, on devra ainsi pouvoir manger des oignons sans «i», pique-niquer sans emporter de trait d’union et se réfugier dans un iglou en laissant tomber son double o final.

Certains milieux littéraires ne souscrivent toutefois pas à ces changements. Ils estiment qu’ils ne sont que le bon vouloir de quelques bureaucrates, indifférents à la sublime complexité de la langue française, qui ne s’occupent ainsi qu’à la saccager uniquement pour simplifier la vie des écoliers. Sur l’échiquier politique, la droite s’y oppose aussi, déplorant l'absence de consultation sur le sujet et dénonçant un «projet de bobos» qui fait l’éloge de la simplicité, au détriment de la complexité et de la nuance.

Un sujet sensible

Toucher à la langue française a toujours été un sujet sensible, soumis à controverse entre «traditionnalistes» d’un côté et «progressistes» de l’autre. Au gré de l’histoire, les seconds l’ont quasiment toujours emporté sur les premiers. De fait, notre langue a toujours suivi le rythme que chaque siècle lui a imposé.

L’introduction de cette réforme ne concerne que quelque 2000 mots. C’est infime. A peine 0,4% de ceux qui la composent. Mérite-t-elle dès lors pareille polémique? Certainement pas! Ceci d’autant plus que la langue «rectifiée» n’exclura pas l’ancienne. L’orthographe «traditionnelle» restera acceptée. Avant de se prononcer, les députés de droite auraient donc eu fin nez de relire Darwin qui disait: «Les espèces qui survivent ne sont pas les plus fortes ni les plus intelligentes, mais bien celles qui s’adaptent aux changements.» Finalement, leur coup de gueule ne sert pas à grand-chose.