La Lausannoise Isabelle Ardevol brise le marbre pour faire surgir des œuvres

SCULPTURE • La sculpteure lausannoise Isabelle Ardevol aime travailler la terre, la porcelaine, le bronze, les résines, mais aussi le marbre qu’elle ose briser pour laisser affleurer l’émotion dans sa denière exposition «En terres tourmentées» qui vient d’ouvrir ses portes.

  • En résonance avec l’actualité, IZA déstructure le marbre dans des sculptures pleines de force et d’émotion. DR

    En résonance avec l’actualité, IZA déstructure le marbre dans des sculptures pleines de force et d’émotion. DR

  • IZA en pleine création d’une sculpture. DR

    IZA en pleine création d’une sculpture. DR

Isabelle Ardevol occupe un atelier, au numéro 23 de l’avenue de Béthusy, à Lausanne. Son atelier principal. L’endroit où elle reçoit et donne des cours. Pour les adultes, en petits groupes afin «que chacun ait l’espace nécessaire pour développer sa propre créativité». De manière plus fun pour les enfants ou les ados qui y apprennent le modelage de l’argile ou encore la taille de pierre tendre. Mais son petit coin de paradis, celui où elle crée ses œuvres, c’est à une vingtaine de kilomètres de là qu’il se trouve. En plein centre du village de Mézières: un atelier minuscule, «un endroit intime», où elle peut donner libre cours à sa créativité et à l’émotion qui guide son œuvre. Ou plutôt ses œuvres.

La sculpture dans la peau

Née en Suisse, Isabelle Ardevol, IZA comme on la surnomme, a la scupture dans la peau. «Elle est un compromis entre l’abstrait et le figuratif, entre le rêve et la réalité, entre la douceur des lignes qui appelle la main et cette terrible tension sous-jacente», explique-t-elle pour résumer son art.

Elle a grandi à travers l’Europe. En France, en Espagne, en Italie, et en Suisse, entre autres. Ce qui lui a permis d’apprendre 5 langues, mais aussi de lui ouvrir l’esprit à d’autres cultures. «Mon enfance fut amère. Même dans les bonnes familles , il se passe parfois des choses terribles...» dit-elle sans vouloir en dire plus. A 17 ans, encore mineure, elle quitte donc l’univers familial, rejoint Paris et entre à l’Ecole des Beaux-Arts, «ne sachant pas encore que la sculpture existait.» Elle suit notamment les cours de Jean-François Duffau, maître du modelage et assistant de César, l’un des derniers grands maîtres de la sculpture. «Des années de découvertes, de travail, de liberté, de folie, d’alcool, de petites et grandes amours, de rires et de quelques larmes», résume-t-elle avec un brin de mélancolie.

Au terme de ses études, IZA part à Barcelone et change d’orientation. Elle lance en Europe la mode de s’habiller ou d’utiliser comme accessoires les tirettes de cannettes de boissons et les capuchons de bouteilles, pour «réveiller la beauté contenue intrinsèquement dans ces éléments auxquels nous n’accordons qu’une valeur d’utilité». C’est aussi à cette période qu’elle commence à vraiment développer la sculpture, à perfectionner son dessin et à s’intéresser à l’anatomie. Ses créations de mode lui permettent aussi de mieux comprendre le corps humain. A côté, elle travaille dans des maisons d’édition ou de communication et signe la traduction de trois biographies et deux romans qui seront publiés.

En terres «confinées»

Après avoir présenté ses collections sur de nombreuses passerelles à travers l’Europe, IZA décide de se vouer entièrement à la sculpture. En 2008, elle quitte Barcelone et revient chez elle, en Suisse. D’abord à Montreux, avant de venir à Lausanne et d’ouvrir son atelier de l’avenue de Béthusy, puis celui de Mézières, dans lesquels elle se dédie maintenant entièrement à ses activités artistiques. Elle expose très régulièrement en galeries ou dans les salons d’art contemporain. Elle enseigne aussi .

Depuis le début de cette semaine, et jusqu’au 29 novembre, elle est l’invitée de la Fondation WRP et propose «En terres tourmentées», une exposition liée à la pandémie en cours. «Le Covid a été pour moi comme un catalyseur. Il nous a révélé ce qui était essentiel dans nos vies» raconte-t-elle. «Combien cela peut manquer de prendre un autre être humain dans ses bras, de ne pas avoir peur. Nous avons aussi appris combien la nature reprend des forces quand nous les humains levons le pied. Au moment où tout semble impossible, j’ai décidé de braver l’interdit et osé briser le marbre pour laisser affleurer l’émotion.» Elle a donc conjugué ses marbres déstructurés à des visages, des bustes, des mains pour creuser des thématiques liées à nos émotions primaires: la solitude, la peur ou encore l’espoir. Mais aussi, plus largement, la fracture sociale, la perte des repères et la soif de changement. Philippe Kottelat

«En terres tourmentées», jusqu’au 29 novembre WRP Fondation, rue François Bonnivard 12, Genève. Entrée libre.

Table ronde: 19 novembre, à 18h. Entrée libre mais places limitées. Réservation sur www.fondation-wrp.org