«Avec le vaccin qui arrive, miser sur l’immunité collective serait incompréhensible»

PANDÉMIE • Alors que la stratégie du vaccin se concrétise, des questions demeurent concernant l’immunité à long terme des personnes ayant déjà contracté le virus. Le point avec la responsable de l’unité d’épidémiologie populationnelle des HUG.

  • L’immunité collective suppose que l’on accepte un nombre de morts colossal. Silvia Stringhini.

    L’immunité collective suppose que l’on accepte un nombre de morts colossal. En médaillon, Silvia Stringhini. 123RF/ALICEPHOTO

A l’heure où le vaccin contre le Covid-19 occupe le devant de la scène, Silvia Stringhini, responsable de l’unité d’épidémiologie populationnelle aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), nous en dit plus concernant l’immunité des personnes infectées et sur la possibilité d’une immunité collective. Interview.

Lausanne Cités: Est-on immunisé quand on a été positif au Covid?
Silvia Stringhini: On n’a malheureusement pas encore de réponse à cette question. Plusieurs études sont en cours mais aucune ne démontre que les anticorps persistent au-delà de trois mois. De plus, la présence d’anticorps ne veut pas dire que la personne est immunisée contre le virus.

C’est pourtant le rôle même des anticorps. Comment est-ce possible?
On ne sait pas s’il s’agit d’anticorps neutralisants. Ni quel est le niveau d’anticorps suffisant pour être protégé. De plus, il est impossible pour le moment de dire si l’immunité acquise est partielle ou totale. Ni quelle est sa durée…

Mais, on a tout de même moins de risque de tomber malade une seconde fois?
Pas forcément. On croit que la «protection» est efficace durant les trois mois qui suivent les symptômes. Mais, cela ne veut pas dire qu’il faut recommencer à faire la fête durant cette période!

Y a-t-il eu des cas de réinfections?
On en a observé. Pas énormément mais, ce n’est pas forcément significatif. Le problème, c’est de prouver qu’il s’agit bien d’une nouvelle infection et non des suites de la première. Pour cela, il faut «documenter» le cas. Autrement dit, séquencer le virus lors de la première et lors de la deuxième infection.

Croyez-vous en la possibilité d’une immunité collective?
Ce que l’on sait, c’est que pour n’importe quel virus, une partie de la population développe une immunité. Pour le Covid-19, on imagine que c’est le cas. Mais, les études sont en cours.

L’immunité collective reste donc une option pour venir à bout de la pandémie?
Avec l’option d’un vaccin qui se rapproche, une stratégie se fondant sur l’immunité collective est incompréhensible. Surtout parce que cela suppose un nombre de morts colossal.

Comment ça?
Des études ont montré que 6% des plus de 65 ans atteints du Covid-19 décèdent. Si on veut atteindre 80% d’immunité grégaire, je vous laisse calculer le nombre de morts. Aucun politique ne peut se permettre d’opter pour une stratégie aussi mortifère. Ce d’autant plus qu’il y a l’espoir d’une autre solution.

Cette solution, c’est le vaccin?
Exact. On n’a pas encore vu les données de l’étude de Pfizer-BioNTech, mais ce qui a été annoncé le 9 novembre a l’air très prometteur. Certes, le vaccin n’est pas la solution miracle. Et on ne va pas éradiquer le virus du jour au lendemain. Cela prend du temps. Il faut produire les doses, cibler la population à vacciner, etc. Mais, c’est une très bonne nouvelle, un espoir!