À Singapour, Rahim travaille pour un organisme non-gouvernemental dédié à la sauvegarde du patrimoine (Heritage Society, fondé en 1986). Sa parfaite maîtrise de l’anglais trahit quelques années passées dans les collèges britanniques. Du haut d’une tour dominant la mégapole, il désigne les quartiers qui - comme il dit - «ramènent aux sources » :
- Là, vous avez Civic District, le cœur de Singapour. De ce côté, ce sont Chinatown et Little India, l’âme de la ville… et juste en dessous de nous, les Quais, autre touche colorée.
Il n’y a plus qu’à explorer le secteur au niveau du bitume, si l’on ne craint pas de transpirer. Le thermomètre n’affiche «que» 24°, mais l’humidité ambiante entretient une sensation de touffeur invitant à courtiser les zones ombragées. Entre les gratte-ciel de verre et de béton se nichent les silhouettes de l’Hôtel de ville - imposante structure des Années Folles, aux allures londoniennes -, l’élégant Musée des Beaux-Arts - installé derrière les blanches arcades d’une ancienne école catholique - et celui des civilisations asiatiques, érigé au milieu des années 1860 pour accueillir notamment la bureaucratie coloniale. Au bord de la rivière, le long des Quais, se concentrent en abondance les bars, restaurants, microbrasseries, night-clubs et autres lieux de distraction aménagés dans d’anciens petits négoces aussi rutilants que chez Disney.
Pacotilles
Comment en vouloir aux touristes de partout qui s’agglutinent dans les quelques rues dédiées aux communautés indiennes et chinoises? Le quartier est si animé qu’on prend plaisir à s’y égarer. On y vend tout ce qui brille - tissus soyeux, porte-clés, chromos, porte-bonheur et autres bâtons d’encens - pareils à ceux qui se consument au voisin Buddha Tooth Relic (le temple de la relique de la dent de Bouddha), lui-même proche de l’indouiste Sri Mariamman Temple.
Plus surprenant, entre les bars et les cantines: l’une des plus belles boutiques dédiées aux produits dérivés de…Tintin! Que les fans du célèbre reporter ne se réjouissent pas trop: tee-shirts, gadgets et statuettes n’y sont pas vendus moins cher qu’ailleurs. Tout juste peut-on regretter, en passant, qu’Hergé n’ait jamais envoyé son héros sous ces latitudes; d’aucuns ne lui reprochent-ils d’avoir flirté par ailleurs avec l’esprit colonial?