Pierre Winthrop: «Je n’ai jamais perdu mon esprit d’enfant»

PORTRAIT • Esthète généreux, l’architecte Pierre Winthrop s’est fait un nom et un réseau en une dizaine d’années. Il se livre et dévoile ses nouveaux projets.

«Je suis méticuleux et je m’immerge dans ce que veulent mes clients tout en réveillant leurs rêves"

Avec son visage de jeune premier sorti d’un film de la Nouvelle vague, Pierre Winthrop prend le temps de raconter son métier, avec calme et passion. Ce séducteur se décrit comme un esthète généreux qui préfère la finesse au bling-bling. Franco-suisse, avec une origine anglaise par son paternel, il a suivi sa scolarité à Paris et en Suisse romande. Un début de cursus d’architecture à l’École nationale supérieure de Paname, sans grande conviction en raison d’un encadrement lacunaire, jusqu’à ce qu’il rencontre le professeur helvétique Bendicht Weber.
«Démotivé, je doutais; c’est alors qu’il m’a conseillé de m’inscrire à l’EPFL.» Le niveau était plus élevé mais Pierre s’est enfin senti mieux encadré et suivi par des professionnels, avec des moyens adéquats: «J’y ai trouvé le sens du métier ainsi que la notion du travail, valeur fondamentale que m’avait transmise mon père.» Une fois son diplôme en poche, il a voyagé puis s’est installé un temps à Londres.
Un cube aux fortes retombées
Sa véritable expérience professionnelle, qui va le propulser dans un autre univers et le faire connaître, se produira à Lausanne en 2010, pour son premier mandat significatif confié par Thierry Wegmüller, patron notoire de bistrots et d’un club. Il lui fallait réaliser un bar éphémère sous les arches historiques du Grand-Pont, au cœur de la capitale vaudoise.
Une structure en plein air à sécuriser la nuit, en tenant compte des risques d’infiltration d’eau. Le jeune architecte imagine avec son associé de l’époque, Gaël Ginggen, un cube en aluminium avec un chapeau de protection, suspendu sous l’arche en pierre, qui s’abaisse comme une chape protectrice à la fin du service. Bingo! Le concept plaît, y compris à l’architecte d’intérieur initialement mandaté, l’expérimenté Siavosh Adeli. «Il l’a recommandé à Thierry et comme je n’avais encore jamais dirigé une construction de ma vie, il a proposé d’être associé à ce projet et de me coacher dans sa réalisation», se souvient Pierre Winthrop avec une certaine émotion.  
Qu’est-ce que cela lui a apporté? «De la visibilité et des sollicitations pour d’autres établissements publics. J’ai pris confiance en moi et ça a aussi développé mon amour profond de recevoir les gens chez moi ou ailleurs, un sens élevé de l’hospitalité.» Il a su aussi développer son réseau, ce qui est important sur le plan professionnel, d’autant plus qu’il apprécie d’être entouré et de s’associer «afin de sortir des machines de guerre. Je sais à la fois où je suis bon et où je ne le suis pas, et c’est là où je vais chercher les meilleurs.»
 Son rapport avec les clients? «Je suis méticuleux et je m’immerge dans ce qu’ils veulent tout en réveillant leurs rêves. Je n’ai jamais perdu mon esprit d’enfant et j’adore raconter des histoires. Je me bats pour avoir du budget afin de sublimer les projets. Je ne négocie jamais mon tarif mais je ne compte pas mes heures!» souligne Pierre Winthrop, qui met un point d’honneur à n’avoir jamais dépassé un budget, ni un délai. Il se navre toutefois de la place de plus en plus importante des aspects administratifs et de procédures qui occupent 80% du temps.
Gros projets de Vevey à Villars
Depuis quelques années, ce passionné est aussi partie prenante dans l’organisation du Caprices Festival, en Valais et à l’étranger. «Il y a une dimension d’urbanisme et j’apprends en m’amusant. Cela m’aide à lâcher prise, avoir plus de coolitude face au besoin de rigueur dans mon métier d’architecte.» Il a aussi conçu avec le décorateur Alexandre Boyer l’intérieur du nouveau Black Market Ramen à Lausanne. Parmi ses projets majeurs en cours, celui déjà dévoilé (par nos confrères de 24 heures) de l’hôtel Montchoisi, avec des chambres au-dessus des gradins de l’actuelle patinoire, l’hiver, et de la piscine publique, l’été, au Sud de Lausanne, en collaboration avec son confrère Kurt Hoffman et Gérard Bonvin, patron du restaurant La Croix d’Ouchy. Pierre Winthrop se réjouit aussi du prochain renouveau du Sporting à Villars-sur-Ollon (VD), pour lequel il s’apprête à déposer un permis de construire.
«Ce lieu était the place to be dans les années 80 dans la région. Mon client a racheté le tout et un énorme chantier devrait débuter: démolition et excavation avec la création de deux sous-sols dans la pente. L’un d’eux abritera un grand restaurant festif avec une vue panoramique sur les montagnes. Il y aura vingt chambres d’hôtel aux étages et un appartement de 100 m² sous les combles.» Il a aussi la perspective de deux nouveaux restaurants et une boulangerie aux remontées mécaniques de la même station des Alpes vaudoises.
Autre projet qu’il dévoile en primeur: la création d’une grande brasserie à l’Hôtel des Trois Couronnes à Vevey, pour laquelle il vient d’obtenir le permis de construire. Friand des mandats pour des établissements publics, Pierre Winthrop ne délaisse pas pour autant l’élaboration de demeures pour des privés. Et quand il ne travaille pas, il voyage afin aussi «de voir ce qui se fait ailleurs, de comprendre et de m’inspirer!»