«Le carnaval joue un rôle fédérateur important» Mathieu Blanc, conseiller communal et président de l’Union des Sociétés Lausannoises
Le Carnaval de Lausanne est-il en train de vivre ses dernières heures? Rien n’est moins sûr. Ce qui l’est, en revanche, c’est qu’il y a de l’eau dans le gaz entre la Ville de Lausanne et ses organisateurs. Un contentieux si sérieux que le président de son comité d’organisation, Jean-Pierre Manigley, craint aujourd’hui pour la pérennité de ce qui est devenu, depuis plus de trente ans, une véritable institution lausannoise.
Des nuits pacifiées
L’objet du litige et de la grogne qu’il suscite? Un courrier de la Ville daté du 9 janvier 2014 qui informait le comité d’organisation de sa volonté de réduire les horaires de nuit de la manifestation: celle-ci s’arrêterait à 2 heures du matin (5 heures précedemment), et la musique s’interromprait dès 1h30 au lieu de 4 heures du matin.
A l’origine de cette décision: la volonté de la Ville de pacifier les nuits lausannoises et d’adopter les mêmes règles pour tous ses acteurs. «C’est un bien triste cadeau qu’on fait là à toute une équipe de bénévoles qui ne compte pas son temps pour que Lausanne ait chaque année un beau carnaval, commente attristé Jean-Pierre Manigley. Ceci d’autant plus que ce courrier laissait entendre que des riverains se seraient plaints du bruit engendré par la manifestation. Or, c’est faux!»
Et de brandir les rapports 2012, 2013 et 2014 de Securitas, chargé d’assurer l’ordre lors de la manifestation. Ils font état de quelques cas d’incivilité ou de petites altercations, mais sans plus. «Rien de bien grave, note Jean-Pierre Manigley, pour une manifestation qui réunit des dizaines de milliers de personnes». Quant aux citoyens qui se seraient plaints directement à la Ville, il s’étonne que dans un courrier reçu quelques semaines plus tard, celle dernière ne fasse mention que d’un seul cas!
Une longue procédure
Loin de baisser les bras, le comité lui répond le 19 mai suivant en annonçant très clairement s’opposer à cette décision et en demandant à être entendu: «Appliquer l’horaire tel que vous nous l’avez présenté, écrit-il alors, nous enlèverait une rentrée importante d’argent et mettrait en péril l’organisation même du carnaval. Outre le manque à gagner sur la vente des boissons, nous serions également obligés de réduire le montant des locations des emplacements aux forains, leur temps d’exploitation étant fortement réduit.»
Le 10 novembre, la Municipalité soumet le cas à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal qui statue le 12 février de cette année et donne raison à la Ville, arguant notamment du fait «qu’on ne saurait reprocher à la Municipalité de vouloir contenir les risques de débordements et de chercher à endiguer les occasions de déroger aux heures de police fixées», et «qu’il est possible - mais pas certain - que le nouvel horaire réduise le chiffre d’affaires des exploitants.»
Interpellation déposée
Fin de la partie? Juridiquement oui, le comité d’organisation n’entendant pas recourir au Tribunal Fédéral. Politiquement, peut-être pas. Président de l’Union des Sociétés Lausannoises, mais aussi conseiller communal et vice-président du PLR Vaud, Mathieu Blanc s’est ému de la situation. «Pour m’être fortement engagé sur le dossier sécuritaire, je comprends parfaitement bien les nécessités qui lui sont liées, tout comme le principe de l’égalité de traitement qui en découle, avance-t-il. Mais le Carnaval de Lausanne est un événement qui ne survient qu’une fois par année et qui est unique en son genre dans la mesure où il donne lieu au plus grand rassemblement des communautés étrangères que compte la ville. Il joue un rôle fédérateur important.»
Sur cette base, le groupe PLR vient de déposer une interpellation. Il souhaite des explications et que des aménagements puissent être trouvés. Jean-Pierre Manigley reste toutefois philosophe: «Ce soutien tombe à point nommé, mais pour l’heure, je ne peux pas me réjouir. J’espère simplement que cette édition 2015 va bien se passer. Après, on verra!»