Les jeunes Lausannois boudent le ski...

SPORTS D’HIVER • Jadis sport national, le ski alpin peine à renouveler sa clientèle. Les jeunes Lausannois sont en tout cas toujours plus nombreux à ne pas savoir skier ou à ne pas fréquenter les stations. Décryptage d’une tendance qui inquiète. 

  • Selon les spécialistes, les jeunes sont de plus en plus nombreux à ne pas savoir manier les lattes

«Le ski est presque devenu le huitième péché capital»
Laurent Vanat, spécialiste de l’économie du ski

La neige est déjà là mais une question taraude pourtant ceux qui vivent du ski. «Ils se demandent souvent si dans vingt ans, on pourra encore skier rapport au changement climatique mais la véritable question à se poser serait plutôt: est-ce qu’il y aura alors encore des skieurs?» Bien connu dans les Alpes vaudoises, le consultant Laurent Vanat est spécialisé dans le domaine des sports d’hiver. Il s’inquiète de voir la relève fondre presque à vue d’œil depuis vingt ans.
«Le phénomène s’aggrave ces dernières années avec les sorties de pistes définitives des boomers et le fait que nombre de jeunes ne savent plus skier et n’ont guère d’occasions d’apprendre», explique-t-il. Car beaucoup sont issus de parents ne sachant pas skier et n’ayant même le plus souvent aucune culture du ski. «Avec plus de 50% d’habitants d’origine étrangère, Lausanne est l’une des villes les plus cosmopolites de Suisse et cela n’est évidemment pas sans répercussions sur la non-pratique du ski», analyse Laurent Vanat.
Un loisir volontiers diabolisé
D’autant que la discipline coûte très cher entre la location du matériel, l’achat du forfait, le voyage et le repas sur place, ce qui en ces mois d’inflation galopante n’est guère porteur… Facteur aggravant, en 2017, le Tribunal fédéral venait mettre en péril la tradition helvétique de  la semaine de camps de ski, jadis mise sur pied dans chaque établissement scolaire et pourtant déjà en recul. «Et ce, en estimant dans un arrêt que ces camps  doivent être gratuits pour les parents d’élèves (repas exceptés), et donc pris intégralement en charge par les pouvoirs publics qui n’en ont pas toujours les moyens. Puis la crise sanitaire est passée par là annulant sur son passage de nombreux camps en 2020, 2021 et même 2022…» rappelle Florian Etter, coordinateur au Service vaudois de l'éducation physique et du sport (SEPS).
Sans compter que le «ski bashing» est assez en vogue dans les médias en ces temps d’éco-anxiété triomphante. «On a parfois l’impression que le ski est devenu le huitième péché capital. On le caricature comme une sorte d’aberration écologique alors que les remontées et les systèmes d’enneigement mécanique fonctionnent à l’électricité et à l’eau et que tout cela produit en réalité bien peu de CO2», argue le professionnel Laurent Vanat. Lequel remarque aussi que les jeunes générations ne possèdent souvent pas de voiture mais que les nombreux packs forfaits et billets de transports publics mis sur pied ces dernières années, ne remportent pas un large succès auprès d’eux pour autant.
Manque de pistes artificielles?
Les stations sont de longue date conscientes du tarissement de cette source de clients et tentent d’y remédier. Nombre d’entre elles offrent par exemple la gratuité aux moins de six ans accompagnés d’un adulte. De son côté, à l’initiative de l’ancien champion olympique Bernard Russi, l’association «Snow4free» organise des journées de ski gratuites pour les enfants âgés de neuf à treize ans. Près de 
40 000 en ont déjà bénéficié à ce jour. Laurent Vanat pense qu’il faut en faire davantage. Il préconise par exemple de développer la piste du ski en salle sur tapis inclinables roulants comme cela existe en Asie. «Une salle de ce type a ouvert à Saillon. Cela permet de s’initier ou de se perfectionner au ski à moindre coût et en s’épargnant de longs déplacements. Une fois au point, le skieur néophyte sera ravi de goûter à de la vraie neige en station et aura de bonnes chances d’y prendre goût!»
De son côté, Pierre Pfefferlé, ancien directeur du Service des Sports de l’UNIL et de l’EPFL, confirme qu’il y a moins de jeunes proportionnellement qu’il y a vingt ans sur les pistes, mais est moins alarmiste. Si le sexagénaire, qui dirigea un temps l’association de promotion des camps de ski «Go Snow» pointe du doigt la multiplicité des offres de loisirs concurrentes bien plus élevée qu’auparavant, il constate  aussi qu’une frange importante de la population reste attachée à la glisse. «J’étais à l’ouverture de Glacier 3000 il y a quelques semaines et malgré la mauvaise météo, 900 personnes se sont pressées au départ du téléphérique dont beaucoup de jeunes», veut positiver le jeune retraité.

 

Moins d’accidents, et c’est logique!

Environ 63 000 personnes se blessent chaque hiver en pratiquant le ski ou le snowboard sur les pistes suisses. Depuis une dizaine d’années, ce chiffre est de manière générale en baisse selon le Bureau de prévention des accidents (BPA). Ce dernier rappelle que cette bonne nouvelle s’explique en raison de la diminution du nombre de personnes sur les pistes: «Malgré cette tendance, il ne faut pas oublier que le ski et le snowboard occupent la troisième et la quatrième place des sports présentant le plus haut risque de blessures graves», nuance Flavia Bürgi, collaboratrice scientifique au BPA. Au cours de la dernière saison d’hiver, les skieurs ont le plus souvent été pris en charge pour des blessures au genou. Quant aux snowboardeurs, c’est le poignet qui est généralement le plus touché.