Le métier d’agriculteur attire toujours plus de jeunes Vaudois

TENDANCE • Ils sont de plus en plus nombreux à se former en agriculture. En dix ans, le nombre d’apprentis dans la branche a augmenté de 15% en Suisse. Retrouver un rapport plus étroit à la nature ou exercer un métier qui a du sens sont des motivations qui attirent ceux qui ont grandi à la campagne comme les citadins reconvertis. Un seul mot d’ordre: la passion.   

  • A 25 ans, Sylvie Annen projette de reprendre la ferme familiale située à Aclens. Photo MISSON TILLE

«Ce qui m’anime, c’est de produire quelque chose qui a du sens»
Mathieu Cornu, éleveur de vaches laitières

 «J’ai toujours grandi à la ferme et adoré travailler avec les animaux. Sans la passion, il est difficile de se lancer dans ce métier.» Sylvie Annen a 25 ans et travaille actuellement chez Granovit en tant que conseillère technique pour les porcs. Son projet? Dans huit ans au plus tard, elle prévoit de reprendre la ferme familiale que gère son père, à Aclens. Alors qu’il y a une cinquantaine d’années, ce cas de figure n’aurait pas étonné, aujourd’hui la transmission d’un domaine familial à ses enfants n’est plus gravée dans le marbre.
La pénibilité du métier d’agriculteur ou encore les difficultés financières sont autant de raisons susceptibles de diriger les jeunes vers des métiers plus sûrs et moins éprouvants. Et pourtant, certains choisissent cette voie, et ils seraient même de plus en plus nombreux. Selon un reportage récent de la RTS, ils seraient près de 15% de plus à se former pour obtenir un CFC d’agriculteur qu’il y a 10 ans. Christian Pidoux l’atteste. Depuis douze ans, il est le directeur d’Agrilogie, le centre de formation aux métiers de la terre qui comprend les sites de Marcelin (Morges) et de Granges-Verney (Moudon). «Depuis que je suis arrivé, les effectifs n’ont cessé de progresser. Cela fait maintenant trois ans que l’on dépasse annuellement les mille élèves et apprentis.»
A la recherche de sens
Ces chiffres sont-ils un signe tangible d’un regain d’intérêt de la jeunesse pour ces métiers? «Il y a effectivement un idéal de retour à la nature, à la terre, à la base de ce qui est essentiel à la vie, qui attire un certain public», affirme Christian Pidoux. Grande différence: aujourd’hui il n’y a plus que les fils et filles d’agriculteurs qui se lancent, mais également ceux qu’on appelle les néo-ruraux, qui n’ont pas grandi à la campagne. Autre signe d’un intérêt «dans l’air du temps», environ la moitié des apprentis agriculteurs le font en deuxième formation, après avoir exercé un autre métier, souvent dans le tertiaire, durant plusieurs années. «Ce qui m’anime, c’est de produire quelque chose qui a du sens; nourrir la population c’est essentiel et indispensable», détaille Mathieu Cornu, 28 ans. Il y a deux ans, il a repris l’exploitation de son père à Villars-Mendraz, dont l’activité principale est l’élevage de vaches laitières. Exercer une activité qui a du sens, c’est ce qui revient fréquemment dans les témoignages que nous avons récoltés. Un constat que fait également Christian Pidoux: «Aujourd’hui, les gens ont envie de s’investir pour quelque chose de vrai. Revenir à la terre s’inscrit dans cette recherche.»
Vivre avec la nature et 
les animaux
Après un apprentissage de géomaticien, Mathieu Cornu a souhaité saisir cette chance, lorsque la reprise de la ferme de son père s’est invitée autour de la table. «Etre mon propre patron m’attirait. Bien sûr, ce métier implique beaucoup de travail et de responsabilités. Les horaires, ce ne sont pas 40 heures par semaine mais le double. Mais c’est aussi une activité qui offre beaucoup de liberté dans ma façon de m’organiser. Et puis le métier est varié, aucun jour n’est semblable à un autre.» Est-ce qu’il se voit faire cela jusqu’à la fin de sa vie? Oui, affirme-t-il sans hésitation. Aussi longtemps que possible. «C’est quelque chose que l’on ressent au fond de soi, qu’il est difficile d’exprimer», renchérit Lucas Blanc, 33 ans, agriculteur à Brenles. Associé à son père depuis dix ans déjà, il reprendra l’entière responsabilité de l’exploitation familiale dès 2024. Au milieu de son domaine, entre champs, vaches et poussines, Lucas Blanc se sent dans son élément, il n’a jamais envisagé autre chose. «La pénibilité du travail existe, mais les satisfactions quotidiennes que je vis avec la nature et les animaux sont des moteurs. Il s’agit plus d’une passion que d’un métier.»
De nouveaux modèles émergent
Prêts à relever les défis futurs
Dans un monde en pleine mutation et un secteur agricole qui doit se réinventer, comment ces jeunes, à cheval entre la génération Y et Z voient-ils leur métier dans dix ou vingt ans? Surtout remplie de défis. La pression des prix du marché, le manque de main d’œuvre, les questions environnementales sont autant de sujets qui pourraient les inquiéter mais qu’ils souhaitent relever avec fierté. L’augmentation de l’intérêt pour la branche, bien que positive, n’est pas une garantie pour l’avenir. Car la désillusion face aux réalités du métier peut vite s’inviter dans l’équation. «La population actuelle d’exploitants devient vieillissante et il faudra des jeunes pour reprendre les rênes. Garder ceux qui se forment dans le secteur aujourd’hui est donc un enjeu d’importance», estime Steve Montandon, président des Jeunes agriculteurs vaudois (JAVD).
De nouveaux modèles pourraient également se démocratiser, tels que la gestion d’exploitations en communauté, soulève Sylvie Annen: «Avec deux ou trois familles sur une exploitation, le travail est partagé et chacun peut s’accorder des week-ends de libre pour faire autre chose.» Sauront-ils tenir la barre? Christian Pidoux ne semble pas s’en inquiéter: «Je trouve que bon nombre de nos étudiants ont les pieds sur terre. Je les trouve résilients, motivés et capables de rebondir.»