Tourisme: quand les voyages se piquent d’éthique

Le tourisme dit «responsable» a de plus en plus la cote et de nombreux Suisses le plébiscitent désormais.
Son objectif: tenir compte de la préservation de l’environnement mais aussi des enjeux humains et sociaux.
Slow tourisme et voyages humanitaires ont également le vent en poupe.

  • De nombreux voyageurs choisissent de compenser eux-mêmes leurs émissions de CO2. 123RF

    De nombreux voyageurs choisissent de compenser eux-mêmes leurs émissions de CO2. 123RF

Réchauffement climatique, violences conjugales, consommation responsable… Les consciences s’éveillent tout azimut sur quantité de sujets. Le tourisme ne pouvait faire exception. Cette industrie connait depuis environ un an une vague verte et éthique qui ne peut plus être reléguée au rang de niche commerciale négligeable.

Le «Premier salon des voyages QuoVadis et 2e salon de la croisière», organisé à Palexpo-Genève du 24 au 26 janvier, témoignera de cette faim de «tourisme responsable» de la part des voyageurs. Il montre aussi que de nombreuses propositions existent déjà en la matière. Le Genevois Alexandre Python, son co-fondateur et patron de l’agence «Ad gentes», souligne que «80% des demandes faites par des clients ces derniers mois aux 1800 agences, présentes en décembre au salon de référence ILTM à Cannes, relevait d’un désir de voyager de manière responsable et consciente.»

Une opportunité à saisir

Selon le site quotidien du tourisme.com, 200’000 Français ont renoncé à voyager en avion en juillet par conscience écologique. Pour les agences de voyages, dont le business a durement pâti de la démocratisation des voyages par internet (qui en Suisse représentent 78% du marché), il y a un créneau à saisir.

Le tourisme responsable inclut aussi les aspects sociaux et humains. «Les agences comme la nôtre choisissent de travailler avec des hôteliers, des transporteurs ou des guides traités dignement par leurs employeurs», relève Alexandre Python. En Israël, ses chauffeurs de bus sont par exemple salariés et non pas payés uniquement par les «bonnes mains» comme c’est l’usage là-bas.

Le luxe à l’avant-garde

Le tourisme de luxe est en avance sur ces questions. A l’instar du MS Roald Amundsen, les nouveaux bateaux permettant de faire des croisières en Antarctique sont par exemple hybrides et plein deux ans à l’avance. Certains hôtels de luxe, tels que l’hôtel The Pavilions Himalayas, sont 100 % «eco-friendly». Ils produisent leur électricité, recyclent leur eau et cultivent leur nourriture.

D’autres tendances, minoritaires, ont le vent en poupe: le «slow tourisme» consistant à préférer les vraies rencontres et la qualité à la quantité; les voyages humanitaires, au cours desquels on paie pour aller aider; ou ceux consistant à découvrir en immersion la vie d’un peuple autochtone.

Changer pas culpabiliser

Les labels, validant le caractère responsable des voyagistes, prospèrent. «TourCert» est l’un des plus exigeants. Travailler avec Easyjet, dont la responsabilité sociale est jugée insuffisante, est par exemple éliminatoire. «Kontiki Voyages», tour operateur spécialisé dans les voyages nordiques et basé à Lausanne, répond à ses exigences depuis 2013. C’est presque une obligation car les pays nordiques sont très regardant sur ces considérations, lesquelles touchent aussi davantage les Alémaniques que les Romands. «Cette démarche relève d’un choix d’entreprise. Nous incluons aussi une compensation CO2 d’environ 20 francs sur nos voyages. Parfois elle est optionnelle et d’autres obligatoires. Certains clients ne sont pas encore conscients de l’importance de cette taxe», relève Maryline Lugrin, spécialiste chez «Kontiki».

Faute de pouvoir revoir drastiquement leurs habitudes, un nombre grandissant de voyageurs choisissent aussi d’eux-mêmes de compenser leur émission CO2 via la plateforme Myclimate.org. Alexandre Python y voit une «prise de conscience louable» plutôt qu’un «greenwashing» un brin tartuffe. L’idée de son salon n’est d’ailleurs pas de culpabiliser. «L’objectif est plutôt que les visiteurs confirment leurs désirs de voyager tout en devenant acteur du changement. Ce changement passe par les rencontres et le respect. Il ne peut être mesuré à l’aulne du seul CO2 consommé!»

Penser le voyage autrement, l'éditorial de Philippe Kottelat

Voyager rime la plupart du temps avec évasion, vacances, découvertes et dépaysement! Dans nos vies rythmées par un travail prenant, c’est parfois une vraie libération que de s’accorder une pause... et donc de mettre les voiles! Mais, avec l’augmentation de la population mondiale et l’accroissement des déplacements, voyager est aussi devenu une vraie source de dégradation environnementale et sociale.

Le tourisme, ne l’oublions pas, est la première industrie de la planète. Il ne cesse de progresser. L’Organisation Mondiale du Tourisme prévoit ainsi 1,5 milliard de touristes dans le monde cette année. On comprend dès lors mieux encore la nécessité de chercher des alternatives au voyage traditionnel. Voyager autrement est devenu une nécessité.

Le mot d’ordre est lancé. Et, plus que jamais, les professionnels de la branche du voyage nous encouragent à voyager responsable. Pour l’essentiel en respectant l’environnement, tant naturel que culturel et humain, des destinations qui accueillent les voyageurs. Autrement dit, en ayant tout à la fois un impact positif sur les populations locales et une incidence minime sur l’environnement (lire ci-contre).

Comment? En compensant par exemple les émissions de CO2 produites ou en choisissant de travailler avec des hôteliers, des transporteurs ou des guides traités dignement par leurs employeurs. L’intention est louable. Mais au-delà des belles intentions, rien ne changera vraiment si les touristes eux-mêmes ne prennent pas conscience de cette nécessité. Opter pour une forme alternative de tourisme c’est bien, repenser son comportement de voyageur, c’est encore mieux!