Nuisances à Lausanne: "Dormir le week-end devient vraiment impossible!"

Dans le centre-ville, de nombreux Lausannois dénoncent les nuisances sonores liées aux multiples manifestations estivales - festivals, fêtes ou autres - autorisées jusque très tard le soir le week-end. Désemparés, certains riverains ne savent plus que faire…

  • Les manifestations peuvent durer jusqu’à deux heures du matin en week-end. VERISSIMO

    Les manifestations peuvent durer jusqu’à deux heures du matin en week-end. VERISSIMO

«La Ville de Lausanne vise un équilibre entre le droit au calme et au repos de la population et le droit d’organiser et de participer à des manifestations»

Pierre-Antoine Hildbrand, municipal en charge de la police

Ah Lausanne, ses musées, ses animations culturelles, ses festivals, ses attractions et sa vie nocturne qui fait, dit-on, même venir des aficionados depuis le bout du lac. Sauf que cette vie-là, ne fait pas le bonheur de tous. Certains Lausannois, particulièrement ceux qui vivent dans l’hypercentre n’en peuvent tout simplement plus. Les nuisances sonores polluent leur quotidien, et surtout leurs nuits, et les insomnies ne les en rendent que plus agressifs. Ainsi en est-il de Justine* qui s’est fendue d’un courrier rageur à la Municipalité: «Je pensais avoir fait le bon choix: habiter en ville près de tout. Lausannoise de naissance, j’appréciais ma ville, mon appartement avec terrasse et vue, mais je pense à déménager: quelles sont vos décisions, vos choix? Que Lausanne devienne Ibiza sur les bords du Léman?»

«On est a bout, ajoute de son côté Jacqueline* dont le logis donne sur le Flon. Que la vie reprenne après le Covid, c’est tant mieux. Mais là ça ne va vraiment plus. Mon appartement s’est transformé en véritable boîte de nuit à mon insu et il est impossible de dormir même avec les fenêtres fermées. Tous les week-ends jusqu’à deux heures du matin, c’est boum-boum sans arrêt avec les basses et les percussions, sans compter le vacarme des jeunes qui trainent au Flon avec leurs enceintes bluetooth. On avait déjà le MAD toute l’année, mais cet été, c’est vraiment le pompon».

Désarroi

Et c’est vrai. Chaque week-end depuis le début de l’été, des autorisations de manifestations sont accordées par la Municipalité, pour des fêtes ou encore des expositions-ventes avec animations nocturnes jusqu’à parfois deux heures du matin. A la place de l’Europe, au Flon, à Montbenon, à la Riponne aussi dont cette autre habitante ne cache pas son désarroi: «J’habite depuis des années en face du Palais de Rumine. Il y a toujours eu quelques nuisances et c’est normal pour le centre-ville. Mais ces nuisances s’arrêtaient à quelques manifestations de temps en temps. Or depuis deux ou trois ans des terrasses ont ouvert en face de chez moi et cela s’accompagne au moment de leur fermeture de très fortes nuisances sonores. Sans compter le bruit de la discothèque Folklor. Nous avons eu la paix pendant une année grâce à la pandémie, mais là ça repart de plus belle »

«Toute manifestation doit faire l’objet d’une demande d’autorisation et est analysée par les services communaux concernés, rappelle Pierre-Antoine Hildbrand, municipal en charge de la police. Chaque demande de manifestation est donc étudiée (horaires, niveaux sonores, impacts sur le voisinage, les transports publics et privés, etc...) afin d’établir des directives techniques et sécuritaires spécifiques à l’attention des organisateurs». Et d’ajouter: «La Ville de Lausanne vise un équilibre entre le droit au calme et au repos de la population, d’une part, et le droit d’organiser et de participer à des manifestations, d’autre part. Ces dernières répondent à un besoin de se rassembler et contribuent au rayonnement d’une ville-centre. Cela étant, afin de limiter au mieux les nuisances, l’horaire maximum de fin de manifestation en extérieur est fixé à 2 heures du matin. Les organisateurs sont sensibilisés à cette problématique préalablement à leur manifestation, notamment lors des séances techniques avec les services communaux.»

Que fait la police?

Reste qu’en cas de nuisances manifestement abusives, les riverains n’ont d’autre possibilité que d’appeler la police afin de vérifier que la manifestation est bel et bien autorisée et que puisse, le cas échéant, être envoyée une patrouille sur place. «Cela ne sert pas à grand-chose déplore Justine. S’il s’agit de manifestations non autorisées, la police intervient, mais cela recommence le lendemain. Et si les manifestations sont autorisées nous n’avons qu’à subir, malgré les pétitions et toutes nos doléances. Que la Ville soit attentive aux nuisances sonores liées au trafic routier, c’est bien. Mais elle devrait être bien plus restrictive quant aux autorisations données tout en veillant à faire respecter les normes anti-bruit.» Chanceuse, Justine a un appartement traversant qui lui permet de se réfugier dans une pièce située de l’autre côté du Flon et de pouvoir, grâce à l’aide de boules Quiès, passer une nuit acceptable. Quant aux autres…

Charaf Abdessemed

*Prénoms fictifs, identités connues de la rédaction

Des manifestations bridées par la pandémie

La pandémie a drastiquement diminué le nombre de manifestations organisées ces deux dernières années. En effet, selon les chiffres fournis par la Ville, seules 2’558 manifestations pour 4’210 jours ont eu lieu en 2020. Pour l’année 2021, le nombre d’autorisations délivrées est actuellement de 1’811 pour 3’125 jours. A titre de comparaison, 4’417 manifestations pour 6’607 jours ont eu lieu durant l’année 2019. L’ensemble de ces chiffres concerne différents types de manifestations, allant d’un vide-grenier à un festival comme celui de la Cité.