Lausanne Cités: Quel regard portez-vous sur la législature sortante, marquée par un Conseil d’Etat à gauche et un Grand Conseil à droite?
René Knüsel: A mes yeux, la législature qui se termine se caractérise par la stabilité et la continuité et ceci malgré le départ en cours de route du socialiste Pierre-Yves Maillard. L’équilibre entre un exécutif à majorité de gauche et un législatif à droite n’en a pas été perturbé. Les Cassandre prédisaient d’importantes turbulences. Elles ne se sont pas manifestées…
Trois conseillers d’Etat sortants ne se représentent pas. Dans quelle mesure cela influence-t-il la dynamique électorale?
Le départ des radicaux-libéraux Pascal Broulis et Philippe Leuba doit être considéré comme la fin d’une période. Au niveau de l’exécutif, ils figurent parmi les derniers acteurs qui ont initié le redressement des finances du canton et une politique d’intenses négociations autour du développement économique et de redistribution qui l’a accompagné. Pour le PLR, il s’agit aussi d’un moment clé, avec le départ simultané de deux caciques et la possibilité offerte d’un profond renouvellement de la représentation du parti à l’exécutif.
La droite peut-elle réussir son pari et reprendre la majorité au Conseil d’Etat?
La droite peut réussir à reprendre la majorité du Conseil d’Etat, le moment étant plus favorable que lors des dernières élections. La question clé est de savoir si Michaël Buffat sera parmi les élus. L’appui des voix UDC est nécessaire pour atteindre quatre sièges, mais le candidat a un profil qui pourrait rebuter une partie conséquente de l’électorat PLR. Des scenarii autres pourraient se dessiner au second tour selon les résultats des différents candidats.
Comme vous le soulevez, le candidat UDC Michaël Buffat a un profil bien plus clivant que ne l’était Jean-Claude Mermoud. Peut-il réussir son pari?
L’UDC a tenté plusieurs pistes pour faire élire l’un des siens au gouvernement. La présentation de Pascal Dessauges en 2019 n’a guère convaincu, alors même qu’il s’agissait d’une candidature s’inscrivant dans une ligne présentée comme consensuelle. Michaël Buffat veut représenter une ligne dure, soutenant par exemple les propos identitaires du président de l’UDC suisse sur les villes roses-vertes, qualifiées de parasites. Pour un candidat au Conseil d’Etat vaudois, il s’agit d’un propos polémique qui pourrait valoir son pesant de voix.
Les Verts ne présentent qu’un seul candidat pour le Conseil d’Etat, Vassili Venizelos. Ont-ils tiré la leçon de leur mauvaise expérience lausannoise?
A Lausanne, malgré une avancée en termes de sièges au Conseil communal, les Verts ne sont pas parvenus à conquérir un troisième siège à la Municipalité. C’est l’échec d’une tendance au sein du parti. En politique, il est souvent attendu qu’un parti confirme une avancée avant que cela ne se traduise par la conquête d’un siège supplémentaire à un exécutif. Les choses pourraient se présenter différemment aux prochaines élections si les forces respectives des partis devaient se confirmer, voire même évoluer dans la même tendance.
Le scrutin peut-il modifier le rapport de force entre Verts et socialistes, de plus en plus «frères ennemis»?
Les questions climatiques ont sans doute incité une partie de l’électorat alternatif à choisir les Verts plutôt que les listes socialistes. Il en va certainement de même avec les Verts libéraux qui ont attiré à eux certains votes, habituellement acquis aux partis bourgeois. Le risque de tensions entre Verts et socialistes ne doit pas être minimisé. Il pourrait être sérieux si les programmes respectifs différaient grandement sur certains points, ce qui ne me semble pas être le cas pour l’heure. Par contre, leurs adversaires politiques ont tout intérêt à monter en épingle d’éventuelles divergences, voire à les susciter.
Toto Morand qui avait créé la surprise au Conseil d’Etat en 2017 avec ses 8,5% de voix au premier tour peut-il réitérer son exploit?
Il existe un potentiel pour un vote de protestation, un vote anti-establishment. Les conditions de l’élection du mois de mars sont toutefois différentes avec 25 candidats dans la course. Toto Morand a indiscutablement pris une place sur l’échiquier politique vaudois. De là à capter à nouveau l’attention comme il l’avait fait il y a cinq ans, il existe un pas. Son électorat est relativement volatil.