Et si le nucléaire sauvait le climat?

Chaque jour, le réchauffement climatique fait l’objet d’une prise de conscience à l’échelle planétaire.

Economies d’énergie, passage aux énergies renouvelables, de nombreuses solutions sont envisagées pour diminuer les émissions de CO2.

Certaines voix écologistes s’élèvent pourtant pour promouvoir au moins à court terme le nucléaire qui n’engendre aucune pollution atmosphérique.

  • Légende. 123RF

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Le nucléaire est la seule solution pour résoudre le problème climatique à court et moyen terme

Bruno Comby, président de l’Association des écologies pour le nucléaire, France.

«Il y a vraiment le feu à la maison! Le problème c’est qu’on vient avec des mesures qui ne sont pas à la hauteur de l’urgence alors qu’on a de l’eau à disposition et qu’on ne veut pas la prendre parce qu’on croit à tort qu’elle est dangereuse.»

En Suisse, il n’y en a quasiment pas. Difficile en effet de trouver chez nous un défenseur du nucléaire, qui plus est se prévalant de raisons écologiques. C’est en France qu’on les trouve, comme l’auteur de la sentence ci-dessus, Bruno Comby, ingénieur polytechnicien, président de l’Association des écologistes pour le nucléaire. Et il n’est pas le seul. Face au réchauffement climatique, de plus en plus de voix s’élèvent pour un recours accru à l’énergie nucléaire, afin de limiter les émissions de CO2. Deux chercheurs américains, Joshua Goldstein et Staffan Qvist viennent ainsi de publier un livre qui défend cette thèse. L’activiste américain Michael Shellenberger, nommé “Héros de l’environnement” par Time en 2008, et écologiste “pragmatique”, est sur la même longueur d’ondes.

Nucléaire «diabolisé»

«Le nucléaire a été diabolisé depuis Hiroshima et Nagasaki, explique Bruno Comby. Ceci d’autant que les deux Super Grands de l’époque, USA et URSS ont tout fait pour en amplifier le potentiel de destruction, et asseoir leur prédominance par la terreur qu’il inspirait. Et c’est dommage, car aujourd’hui, le nucléaire est la seule solution pour résoudre le problème climatique à court et moyen terme, puisqu’il n’émet quasiment pas de CO2 dans l’atmosphère».

Pour les pro-nucléaires en effet, les énergies renouvelables éolienne et solaire, dans leurs rendements actuels, ne sont pas à la hauteur pour remplacer la production à base d’énergies fossiles, d’autant que la question du stockage de l’électricité n’est toujours pas résolue.

L’autre avantage du nucléaire est sa faible emprise sur le territoire. «Pour remplacer une seule centrale de troisième génération, il faudrait bâtir tous les 300 mètres une éolienne de 150 mètres de hauteur et ce sur un parcours qui va depuis Gênes en Italie, jusqu’à Barcelone, illustre encore Bruno Comby. A l’inverse un seul gramme d’uranium fournit autant d’énergie qu’une tonne de pétrole ou de charbon. La cicatrice qu’on inflige au sol est donc un million de fois moindre!»

«Croire que le nucléaire peut résoudre la crise climatique est une immense connerie, une utopie et une illusion, réagit Daniel Brélaz, ancien syndic de Lausanne et premier élu écologiste de l’histoire aux chambres fédérales. Ainsi, en équipant simplement 5 fois la surface de la Suisse en panneaux solaires, on couvrirait les besoins de toute l’humanité. D’autant que les techniques de stockage sont en constante amélioration.»

Pour Alberto Mocchi, président des Verts vaudois, le nucléaire représente une fausse bonne idée. «Remplacer une énergie dangereuse par une autre énergie qui est dangereuse pour la population et pour le climat n’est pas une bonne idée. Nous recommandons surtout les énergies renouvelables et bien entendu et surtout les économies d’énergie qui représentent un immense vivier en termes de limitation d’émissions en gaz à effet de serre».

Prolonger les centrales actuelles?

«Evidemment qu’il faut économiser l’énergie, renchérit Bruno Comby, qui tient à préciser qu’il expérimente le mode de vie Zéro carbone à titre personnel, grâce à la maison qu’il a bâtie lui-même et à sa voiture électrique. Le problème c’est que de toutes façons c’est insuffisant car même en optimisant au maximum, on n’arrivera qu’à 10 à 30% d’économies, d’autant qu’il faut compter 50 à 100 ans pour que le CO2 actuellement présent dans l’atmosphère s’élimine».

Un argument que lui retourne Daniel Brélaz: «Construire une centrale nucléaire prend 10 à 15 ans en comptant les procédures, il serait difficile d’aller vite avec ces délais. D’autant que l es réserves de la planète en uranium sont limitées. Même en misant à mort sur le nucléaire, celui-ci ne parviendrait qu’à 7 à 8% de la consommation mondiale d’énergie, et il n’y aurait plus d’uranium dans 50 ans. En réalité, la seule option crédible serait de prolonger la vie de nos centrales actuelles et de les user jusqu’à la corde. Mais avec un risque de plus en plus grand de mini-Fukushima».