13e rente AVS: Benoît Gaillard et Pauline Blanc croisent le fer

VOTATION • Le 3 mars prochain, le peuple suisse devra se prononcer sur une initiative qui vise à verser une 13e rente AVS à chaque retraité. Les deux conseillers communaux lausannois, le socialiste Benoît Gaillard et la PLR Pauline Blanc confrontent leurs arguments.

«La 13e rente profitera à la classe moyenne»

Lausanne Cités: Si l’initiative est acceptée, les dépenses augmenteront de 4,1 milliards de francs par an. Comment financer cette 13e rente?
Benoît Gaillard: L’AVS fait des bénéfices. Pour 2026 par exemple, le Conseil fédéral prévoit que l’AVS dégagera une marge de 3,5 milliards! Cela couvre plus de 80% des coûts de la 13e rente. Pour le reste, et sur le long terme, une hausse modérée de cotisation est une bonne option: pour un salaire moyen, c’est quelques francs à payer par mois aujourd’hui, pour 200 francs de plus de rente à la retraite! 90% des travailleurs reçoivent plus de rente qu’ils ont payé de cotisation. Pourquoi? Parce que les très hauts revenus, eux, paient bien davantage qu’ils ne reçoivent.

Les rentes AVS sont indexées au renchérissement tous les deux ans. Cette 13e rente est-elle vraiment nécessaire?
L’indexation n’est que partielle – et elle ne tient pas compte des primes-maladie! Le pouvoir d’achat des retraités est en baisse, c’est un fait. Alors qu’il y a vingt ans, avec l’AVS et la LPP, un jeune retraité pouvait compter en moyenne sur 60% de son dernier revenu, aujourd’hui c’est à peine plus de 45%. Cela ne suffit pas! Nous pouvons mieux faire pour des gens qui ont travaillé toute leur vie en Suisse. Qui, hier, ont payé les écoles de ceux qui sont actifs aujourd’hui  et qui gardent leurs enfants pour leur permettre de travailler.

Aujourd’hui, les retraités qui ne peuvent pas subvenir à leurs besoins vitaux peuvent faire appel aux prestations complémentaires. Pourquoi ne pas se contenter de cela?
Pour une fois, justement, nous voulons faire quelque chose pour ces classes moyennes qui ne reçoivent jamais aucune aide. Pas assez pauvres pour être vraiment aidées, mais de loin pas riches: la 13e rente profitera à toutes ces personnes. Qui elles aussi ont subi de plein fouet les hausse de prix de l’essence, des transports, de l’électricité, des loyers, des primes!  Les prestations complémentaires, c’est l’aide sociale pour les 10% de retraités qui ont le plus de peine. C’est important – et d’ailleurs l’initiative dit que le droit aux PC ne doit pas être réduit par la 13e rente.

Une 13e rente AVS pour des assurés qui ont déjà un magnifique 2e pilier, cela fait-il sens?
L’AVS a été inventée par la Suisse au sortir de la guerre avec un principe simple: tout le monde cotise sur chaque franc gagné – et tout le monde touche une rente. Donc oui, tout le monde toucherait la 13e, comme les 12 autres rentes aussi! Les 10% des revenus les plus élevés paieront plus que ce qu’ils recevront à la retraite. Le système reste juste.  

Enfin, si l’initiative venait à être refusée par le peuple, pourra-t-on se contenter du statu quo?
J’aimerais être très clair. Si l’initiative est refusée, il n’y aura pas, à la place, une meilleure solution pour les retraites. Il y aura de nouvelles détériorations. Le Conseil fédéral veut supprimer les rentes pour enfants et pour veuves. Le Parlement veut baisser les rentes LPP. J’appelle chaque personne à bien réfléchir: soit on accepte ce qui est sur la table, la 13e rente, soit le «non» sera interprété pour dire qu’il n’y a pas besoin d’améliorer les choses. 

«Des aides ciblées sont bien plus efficaces»

Lausanne Cités: Si l’initiative est acceptée, les dépenses augmenteront de 4,1 milliards de francs par an. La Suisse, un des pays les plus riches du monde, ne peut-elle pas se le permettre?
Pauline Blanc: Le coût à moyen terme de cette initiative serait de 5 milliards de francs. Cela péjorerait le pouvoir d’achat des actifs et en particulier de la classe moyenne. En effet, pour financer la 13e rente qui serait versée à tous les retraités, une augmentation des cotisations sociales serait inévitable, en plus d’éventuelles hausses de la TVA et des impôts. La mise en œuvre de cette initiative se ferait sur le dos des actifs d’aujourd’hui. Des aides ciblées sont dès lors bien plus adéquates que cette mesure arrosoir et impossible à financer.  

Les citoyens ont le sentiment  que le pouvoir politique trouve de l’argent quand il s’agit de voler au secours des erreurs de l’économie (Swissair, UBS) mais pas pour des retraités au pouvoir d’achat limité...
Il s’agit ici de cas bien particuliers qui menaçaient sérieusement l’économie suisse et de nombreux emplois. Et ce n’est qu’en garantissant des finances équilibrées que l’Etat peut agir dans ces cas urgents et de grande ampleur. Il s’agit avant tout de ne pas mélanger des dossiers qui n’ont pas de lien. A nouveau, garantir des rentes dignes est absolument primordial.  

Ailleurs, les citoyens partent à la retraite avec 80% de leur dernier salaire. En Suisse, ce taux est au mieux de 60%, AVS et 2e pilier compris. La 13e rente ne permettra-t-elle pas d’améliorer la situation?
La 13e rente pourrait améliorer la situation financière de certains retraités et en péjorer d’autres en raison d’une diminution des subsides à l’assurance maladie ou de l’augmentation de leurs impôts, etc.  

Les retraités qui ne peuvent pas subvenir à leurs besoins vitaux peuvent faire appel aux prestations complémentaires. Une 13e rente n’aura-t-elle pas l’avantage de diminuer la charge des cantons?
Les prestations complémentaires ont pour objectif de combler l’écart qu’il peut y avoir entre le minimum vital et la rente AVS effectivement versée. C’est un système juste qui permet d’octroyer des aides ciblées et de garantir à l’ensemble des retraités le minimum vital. Octroyer une 13e rente AVS n’implique pas nécessairement une baisse de la charge financière des prestations complémentaires.  

Est-il raisonnable de maintenir le système actuel sans le réformer? Ne trouve-t-il pas ses limites en remplissant de moins en moins son rôle?
Notre système de l’AVS caractérise notre état social et il est donc primordial de le rendre viable. En l’état actuel, l’AVS creuse sa tombe. Son financement est assuré jusqu’à l’horizon 2030…. Et après nous passerons dans les chiffres rouges, c’est pourquoi une réforme structurelle de l’AVS est inévitable. C’est bien pour cela que les Jeunes PLR ont pris leurs responsabilités en proposant une solution courageuse avec leur initiative afin de garantir des rentes aux générations futures.

Que prévoit l'initiative?

L’Initiative populaire «Mieux vivre à la retraite» (initiative pour une 13e rente AVS) souhaite modifier la constitution fédérale pour augmenter la rente de vieillesse de l’AVS d’une rente mensuelle. Une treizième rente s’ajouterait ainsi chaque année aux douze rentes mensuelles. La rente de vieillesse annuelle maximale augmenterait de 2450 francs pour les personnes seules pour atteindre 31 850 francs et de 3675 francs pour les couples pour atteindre 47 775 francs. L’initiative souhaite également que les prestations complémentaires ne soient pas diminuées en raison de la treizième rente. L’introduction d’une 13e rente AVS correspond à une augmentation de 8,3 % de la rente annuelle. Selon la chancellerie fédérale, cette mesure engendrerait des coûts d’environ 4,1 milliards de francs durant la première année, dont 800 millions à la charge de la Confédération. Ces coûts augmenteraient ensuite rapidement: cinq ans après l’entrée en vigueur, ils atteindraient près de 5 milliards de francs par an.