Le patrouilleur scolaire vaudois est 
une espèce en voie d’extinction

SÉCURITÉ ROUTIÈRE • Les semi-bénévoles assurant la sécurité des enfants sur les passages piétons menant à l’école dans la commune de Renens, ne le feront peut-être plus très longtemps. Leur recrutement pose aussi problème dans d’autres communes vaudoises. Explications.

  • La pénurie de patrouilleurs inquiète les communes vaudoises. keystone

«A Renens, les parents sont très 
très inquiets»
Jean-François Clément, syndic de Renens

Fin 2023, la Municipalité de Renens tentait de recruter de nouveaux patrouilleurs scolaires via diverses annonces. Ces appels n’ont malheureusement suscité aucune vocation ni même de réponse! Résultat: il est plus que probable que le système actuel soit abandonné l’année scolaire prochaine faute de combattant. En effet, les deux patrouilleurs encore en fonction, et qui n’ont de toute façon pas le don d’ubiquité pour sécuriser tous les passages piétons qui le nécessiteraient, tireront la prise en juillet prochain. La piste des ORP pour les remplacer n’a pas été explorée et ne le sera pas. Cette pénurie de patrouilleurs ne se limite cependant pas à Renens. A l’instar de Nyon ou Echandens, plusieurs autres communes vaudoises peinent à recruter ces semi-bénévoles pour assurer leur mission les matins et après-midi, cinq jours sur sept, pendant seulement quatre fois une grosse demi-heure. «C’est un travail peu rémunérateur, payé 25 francs de l’heure, ce qui représente tout de même aux alentours de 10 000 francs d’investissement par année et par passage, mais c’est surtout très contraignant en matière d’horaires… Les modèles solidaires, qui étaient la norme jadis, ont bien plus de peine à se mettre en place. On le constate aussi sur certains pédibus», analyse Jean-François Clément, syndic socialiste de Renens, en guise d’explication.
L’entraide, c’était mieux avant
Martial Lambert, président de l’association spécialisée Bénévolat Vaud, ajoute: «L’individualisme de nos sociétés et leur rythme devenu très élevé a fait du mal au bénévolat. Beaucoup de secteurs peinent à en recruter, surtout pour des missions s’étalant sur la durée! Et beaucoup de bénévoles appartiennent aux anciennes générations, celles pour lesquelles l’entraide reste une valeur centrale.» C’est précisemment pour cela que Renens, qui aurait idéalement à sécuriser une douzaine de passages piétons sur six sites, est en train de tester un modèle alternatif basé sur des «coachs».
Les premières conclusions pourraient tomber dès la fin de ce mois de mars. «Ces personnes sensibilisent les écoliers aux dangers de la route et ce dans l’objectif de leur faire gagner en autonomie, chose qui leur profitera bien au-delà des trajets scolaires, résume Jean-François Clément. Ils sauront ainsi s’approprier la ville, ce qui constituera un nouveau jalon vers une mobilité douce plus harmonieuse.» Quant aux parents? Le syndic confesse que beaucoup sont «très très très inquiets». Voir ses chères têtes blondes déambuler seules vers l’école à la merci d’un automobiliste ou d’un cycliste inattentif relève en effet du cauchemar pour bien des pères et mères!  
Le décalogue du chemin 
de l’école
Le socialiste relève aussi que «les détecteurs de vitesse non répressifs mis en place de manière invisible dans le cadre du test ont montré que 99% des gens respectent les limitation aux heures scolaires». Les très rares cas, heureusement sans gravité, où un enfant a été touché par un pare-choc ont eu lieu les week-end lorsque la vigilance était plus relâchée. L’édile précise aussi que les assistants de sécurité publique (ASP) sont aussi beaucoup plus présents sur le périmètre scolaire lors de la rentrée et de la sortie des cours. Notons aussi que l’association transport et environnement (ATE) a établi une sorte de décalogue pour minimiser les dangers sur le chemin de l’école. Choisir le chemin le plus sûr plutôt que le plus court, parcourir plusieurs fois ce chemin avec son enfant avant la rentrée, l’habiller de manière visible et partir suffisamment avant l’heure y figurent en bonne place.

 

Une mission désormais réservée aux adultes

Les grandes villes ont moins de souci à recruter des patrouilleurs. A Lausanne, où ils sont dix-sept à œuvrer sur treize passages quatre fois 45 minutes par jour pour 22 à 25 fr. de l’heure, chaque campagne de recrutement génère une vingtaine de dossiers de candidature. Du côté d’Epalinges, le système des patrouilleurs scolaire marche encore relativement bien puisqu’il y en a huit en activité sur la commune dont une majorité de dames. Leur rémunération de presque 32 fr./h soit environ 1’000 francs par mois et par patrouilleur y est pour beaucoup. Ces personnes sont en charge de trois passages piétons et deux établissements et sont remplacées par un ASE en cas d’absence. «Les parents voudraient un patrouilleur sur chaque passage ce qui est évidemment impossible. Dans le passé, il y avait moins d’inquiétude sur cette question mais aussi moins de parents-taxi qui encombrent un peu les abords des écoles aux pires heures contribuant à péjorer la situation…» résume le syndic Alain Monod. Certaines communes, à l’instar de celle de Romanel n’ont pourtant pas recours à des patrouilleurs et se bornent à faire confiance au fait que les passages piétons sont régulés par des feux. «Prilly a de son côté engagé quatre patrouilleuses scolaires, formée par un policier aux directives et normes de sécurité et rémunérées au tarif horaire communal», résume le syndic local Alain Gilliéron. En Suisse, le chemin de l’école est en effet sous la responsabilité communale.  Notre pays compte environ 4’500 patrouilleurs scolaires dont près de 1’400 sont des enfants, selon le TCS. Mais ce n’est pas le cas sur Vaud. Dans le passé, les enfants vaudois plus âgés pouvaient en effet jouer le rôle de patrouilleurs scolaire seuls mais un adulte doit désormais théoriquement les chapeauter, explique-t-on du côté de l’Union des communes vaudoise. Et en 2022, le bureau de prévention des accidents en avait rajouté une couche en recommandant de réserver cette tâche aux adultes.