Une espérantophone centenaire à Lausanne

La doyenne du Home La Rozavère à Lausanne a fêté ses cent ans en août dernier. Malgré quelques trous de mémoire, elle maîtrise encore très bien l’espéranto, langue internationale qu’elle a pratiquée et enseignée la majorité de sa vie.

  • Lucienne Dovat 100 ans depuis  le mois d’août.

    Lucienne Dovat 100 ans depuis le mois d’août.

PORTRAIT • «On m’a prévenue de votre arrivée ce matin. Vous voulez écrire un article sur moi?» Près de la fenêtre de sa chambre, à l’EMS La Rozavère, Lucienne Dovat n’a pas l’air d’une centenaire. Elle est vive, et semble bien se porter. Pourtant, elle a bien fêté un siècle d’existence cet été. Bien sûr, lorsqu’elle se met à parler, les trous de mémoire forment parfois des blancs et quelques soupirs. Difficile de savoir combien de temps la laisser dans les méandres de ses souvenirs... Mais elle écoute avec beaucoup d’intérêt, parfois en faisant comprendre qu’il faut parler un peu plus fort. S’il y a une chose que Lucienne Dovat n’a pas oubliée, c’est la langue qu’elle a apprise alors qu’elle avait tout juste une trentaine d’années. Il s’agit de l’espéranto, langue internationale inventée en 1887 par le polonais Ludwik Zamenhof. Grâce à cette langue, Lucienne Dovat a correspondu avec des interlocuteurs du monde entier. «J’ai échangé des lettres avec des tchécoslovaques à l’époque où le pays était envahi par les Russes… J’ai dû les garder, elles doivent être dans un carton chez ma fille. Mais je ne les ai jamais relues.»

C’est seulement à la fin de l’entretien qu’elle se souvient d’une des premières questions posées; comment elle a commencé à apprendre l’espéranto. «J’habitais à Corcelles-près-Payerne, et une copine me balance un vieux bouquin défraîchi par la fenêtre. C’était un livre d’espéranto, qui venait de Moscou. A la quatrième page, il y avait un petit texte, que j’ai essayé de comprendre.» Après cela, elle téléphone à la société lausannoise d’espéranto afin de prendre part aux cours organisés. Depuis, elle n’a jamais cessé de le pratiquer et l’a même enseigné durant 60 ans. «Elle était très investie, raconte sa fille Jacqueline Vasserot. J’ai baigné dedans étant petite. Je me souviens qu’elle nous l’apprenait, on devait avoir six ans, à une copine et moi.»

Lucienne Dovat m’effectue une petite démonstration d’espéranto. La langue, créée avec des racines latines, la rend parfois proche du français. Mais sans les innombrables irrégularités et exceptions, car elle est conçue pour pouvoir être apprise et pratiquée par tous facilement.

Lucienne Dovat en a des histoires et anecdotes à raconter. «Vous me faites rappeler des souvenirs», lance-t-elle. Nous discutons, au gré de ce qui lui revient. Puis il est l’heure de manger à l’EMS La Rozavère. A l’aide de son déambulateur, elle ne traîne pas. En partant, elle lâche: «Vous ne m’avez pas dit votre prénom!» Bien sûr, je lui l’ai annoncé en arrivant, mais le lui répète volontiers. Elle me quitte en disant: «C’est joli ça comme prénom, j’aime bien.»