Tribune libre: "Pour une éthique du télétravail"

Pour le conseiller communal socialiste Sébastien Kessler, la généralisation du télétravail née de la crise du Covid ouvre de nombreuses questions...

"Il faut craindre une uberisation d’un pan entier de l’emploi en l’absence d’un accompagnement"

Travailler n’importe où, de chez soi, cela n’a rien de neuf pour nombre d’employés. Mais télétravailler et faire de son logement le lieu principal de son métier, cela est récent comme virage amorcé par l’informatique devenu L’outil de travail. Avec le confinement, indubitablement une étape a été franchie. Avant, nombre de travailleurs avaient une fois ou l’autre testé le télétravail, souvent quelques privilégiés. Les employeurs se tâtaient – que oui, que non, peut-être mais pas le vendredi. Mais là ça y est, le télétravail est devenu réalité pour ceux qui “ont apprécié cette période” et pour les employeurs qui y voient d’énormes économies possibles.

En réalité, tout ou presque a été déjà dit sur le télétravail. Mais il régnait un sentiment de surplace, d’un changement pas assumé. L’ubuesque accélération due au COVID comporte le danger d’une transformation trop rapide, mal pensée. Cela est différent de se protéger d’un virus en télétravaillant, tant bien que mal, ou d’instaurer un changement profond qui touche aux relations sociales, à la gestion humaine, au sens du travail. La transformation touche de nombreux domaines comme l’imposition, le logement qui est parfois toxique – voisinage, conflits de couple ou de colocation sans parler de l’ergonomie. Moult aspects juridiques sont flous ainsi que l’impact sur la mobilité, l’écologie ou l’immobilier qui pense déjà “domiciles avec bureau”. Idéaliser le télétravail en se basant sur une expérience extraordinaire de crise sanitaire permettra d’imposer ce changement, pour le pire ou le meilleur.

Ainsi, il faut craindre une uberisation d’un pan entier de l’emploi en l’absence d’un accompagnement. Il doit s’agir d’un choix du collaborateur, formé et conscient des risques d’isolement professionnel et social. Et surtout, il doit être une mesure d’aménagement du travail pour permettre au plus grand nombre - femmes, parents, personnes en situation de handicap, etc. - d’intégrer et de contribuer à l’entreprise sans subir de discrimination ou devenir des employés de seconde zone. En ce sens, le télétravail doit être inclusif, une source de richesse sociale et économique.