Le centre culturel Casona Latina a été contraint de fermer

GROGNE • Juan Correa a perdu la licence de son lieu associatif Casona Latina. La fermeture durant la pandémie l’a privé de recettes tandis que sa gérance n’avait pas renoncé au loyer. Lui critique la police du commerce et les Affaires culturelles vaudoises.

Voici, au cœur de Lausanne, une situation kafkaïenne à l’issue fatale pour une association sud-américaine qui gérait un lieu propice aux échanges culturels et sociaux. La Casona Latina est porte close depuis le printemps dernier. Fondateur de ce centre en 1998, Juan Correa ressent de l’injustice face aux raisons qui ont conduit à la fermeture des lieux, nichés sous la rampe du métro M1 près du théâtre de l’Arsenic. Cet antre latino, où l’on venait prendre des cours de langues et de danse, n’a jamais roulé sur l’or et les mesures restrictives durant la pandémie l’ont privé d’existence et de revenus. Il fallait tout de même payer des charges et un loyer mensuel car la gérance n’a fait cadeau que d’un mois. Exsangue, l’association s’est tournée vers le Canton en 2020 pour obtenir des aides Covid.

Si les Affaires culturelles lui en ont attribué à deux reprises, la troisième demande a été refusée en mars 2022. «Et ce car une membre de notre association a envoyé une copie de son permis de conduire et non de sa carte d'identité comme exigé dans le dossier à fournir», s’indigne Juan Correa.

Cheffe du Service cantonal des affaires culturelles, Nicole Minder se dit en préambule désolée en apprenant la situation actuelle de Casona Latina. «Nous sommes au service de la culture et de ses acteurs, mais nous avons l’obligation de mener des vérifications de chaque dossier reçu comme nous y oblige la Confédération», souligne-t-elle, tout en rappelant que la procédure administrative permet de faire recours contre les décisions durant un mois.

Procédure numérique «compliquée»

Durant cette même période la cyber- administration est entrée en vigueur. Soit des procédures numérisées où la moindre erreur bloque tout le processus. Un casse-tête incompréhensible pour Juan Correa qui n’est pas de langue maternelle française. «Nous avons d'abord dû aller à la Préfecture pour nous identifier en personne, détaille-t-il. Ensuite, le questionnaire que l'on nous a demandé de remplir était long et compliqué. J’ai dû me faire aider par une amie juriste qui avait aussi de la peine à saisir tous les éléments. Quand nous avons demandé de l'aide à la personne de contact du Service des Affaires culturelles, elle-même a estimé cette nouvelle version du formulaire bien complexe. Nous avons travaillé pendant trois jours pour remplir ce seul document en ligne qui se bloquait à chaque rubrique, avec l'impossibilité d'avoir l'aide d'une personne humaine pour débloquer la situation.»

Impayés et courrier mal envoyé

De guerre lasse, il s’est découragé et a espéré de l’empathie de la police du commerce. Mais après de nombreux mois de rappels pour des factures de licence d’exploitation impayées, la décision fatale est tombée, en deux temps. Juan Correa impute une partie de ces retards au fait que les autorités vaudoises avaient envoyé plusieurs courriers à une mauvaise adresse (celle de son ex-épouse). Chef de la Police cantonale du commerce, Frédéric Rérat rétorque que l’adresse à laquelle ils ont été envoyés est celle qui figurait sur la licence accordée au demandeur en 2019. Juan Correa ne leur aurait pas communiqué de changement d’adresse. «Quand des émoluments ne sont pas payés, la loi vaudoise prévoit un retrait de la licence, explique Frédéric Rérat. Nous ne procédons pas à une fermeture immédiate: la facture initiale est suivie de rappels, puis de l’octroi d’un dernier délai par décision. En l’absence de paiement dans le délai imparti, il est d’usage d’accorder encore un ultime délai de paiement pour éviter la fermeture si l’exploitant en fait la demande: en l’occurrence, vingt-quatre heures lui ont été accordées par les inspecteurs qui étaient à ses côtés.» Hélas… La fermeture a été effectuée en décembre 2022.

«Nous n’avons pas reçu de nouvelle demande de licence dans l’intervalle, rajoute Frédéric Rérat. L’avis d’annulation administratif de la licence lui a alors été envoyé en mars 2023.» Ce terme d’«annulation» a provoqué un malentendu car Juan qui avait entre-temps fini par payer les émoluments en retard a alors cru que la décision de fermeture était «annulée»… Une issue positive pour cette association demeure-t-elle possible? La cheffe des affaires culturelles vaudoises rappelle que tous les acteurs culturels peuvent en tout temps prendre contact avec son service.