Au nord de la Riponne, familles et toxicomanes cohabitent bien

MIXITÉ • Au mois de mai, le deuxième local d’injection lausannois, géré par la Fondation ABS, ouvrira à la place de la Riponne, à deux pas de l’Espace récréatif de la Grenette. Cette proximité inquiète-t-elle les responsables et les parents? Pas le moins du monde!

  • La halte-jeux de la Grenette a été pensée pour favoriser la mixité à la Riponne. En médaillon,Michèle Montet, responsable de l’Espace récréatif PHOTOS TILLE

«La naissance de la Grenette est liée à la présence de la population marginale à la place de la Riponne.» Michèle Montet (médaillon), responsable de l’Espace récréatif, remet d’emblée les pendules à l’heure. Ce lieu de loisirs pour enfants et familles, ouvert du mardi au samedi et né lors de Lausanne Jardins 2014, avait justement pour vocation initiale d’amener de la mixité sur cette place, fréquentée par un seul type de population, marginale et souvent toxicomane.
Des avis largement favorables
Dix ans après, la mission semble réussie pour la structure qui a été finalement pérennisée en 2018, après quatre éditions éphémères. «Nous sommes venus et restés ici en connaissance de cause», poursuit la responsable. De ce fait, l’ouverture prochaine du deuxième local d’injection lausannois à deux pas de la Grenette ne l’inquiète pas le moins du monde. «Je suis en faveur de cette cohabitation, elle ne me fait pas peur. Cet espace de consommation sécurisé n’aurait aucun sens ailleurs qu’à la Riponne.»
Les parents interrogés ne s’en alarment pas davantage. Julia vient à la Grenette depuis trois ans avec sa fille: «C’est beaucoup mieux pour tout le monde que la consommation de substances ne se fasse pas dans la rue. Un endroit sécurisé est nécessaire, et la proximité n’est pas un problème.» Même son de cloche chez Olive, qui fréquente l’Espace récréatif chaque semaine avec son fils de deux ans. «De tels lieux doivent se trouver dans l’hypercentre pour fonctionner. Ce n’est pas en isolant et en cachant ces personnes que l’on arrangera la situation.» Quant à Agustina, qui se rend à la Grenette avec son petit-fils, elle renchérit: «Les limites que les enfants ne doivent pas dépasser sont bien définies. Si ce local est bien géré, cela ne m’inquiète pas. Et ces gens sont attentifs à la présence des enfants.»
Reconnaissance et auto-gestion
C’est aussi ce que constate Michèle Montet. «Lorsque j’ai rencontré «nos voisins» – comme nous les appelons affectueusement – autour des jardins potagers en 2014 pour leur présenter le concept, leur première réaction a été de s’inquiéter de l’exemple qu’ils seraient pour les enfants.» Grâce à la Grenette, trois d’entre eux ont trouvé un emploi en tant que personnel d’intendance, après deux ans à offrir spontanément leur aide. «Ils font partie de l’équipe et grâce à eux, les locaux sont propres», se réjouit la responsable.
Leur présence instaure une auto-régulation, poursuit-elle. «Une fois leur travail terminé, avant l’ouverture de la Grenette, ils veillent à ce que tout ce qui se passe autour soit correct. Je tiens beaucoup à ce lien qui perdure depuis dix ans.» C’est pourquoi elle envisage également des collaborations avec la fondation ABS autour de la rénovation des bacs potagers de la place. L’idée: offrir des petits jobs d’entretien des jardins aux personnes qui fréquenteront le local d’injection. «Cette offre instaurera, je l’espère, un autocontrôle renforcé autour des potagers qui sont souvent la cible de déprédations de la part des fêtards.»

De projet pilote à espace récréatif

Durant de nombreuses années, la halte-jeux de la Grenette animait les étés à la Riponne à titre de projet pilote.Ce n’est que le 1er décembre 2018, suite à une pétition de 12 000 signatures demandant sa pérennisation, que la Ville a décidé de poursuivre cette aventure toute l’année afin de garantir une plus grande mixité au nord de la place. Depuis, l’équipe de l’espace récréatif de la Grenette accueille des enfants et leur famille pour partager un moment convivial autour d’activités diverses, gratuites et basées sur le développement durable ou la logique de vie. Un potager en bacs et deux terrasses attenantes permettent au public de jardiner ou de boire tranquillement un café pendant que les enfants jouent dans cet espace qui se veut résolument atypique.