Vincent Perez: «Il faut redonner au public l’idée que le cinéma est une expérience collective»

L’acteur d’origine lausannoise revient sur les bords du lac pour y présenter la 6ème édition des Rencontres 7ème Art Lausanne, le festival qu’il a créé en 2018 pour partager son amour du cinéma. Son objectif est de fédérer un public toujours plus nombreux autour du patrimoine cinématographique fortement bien préservé ici grâce à la Cinémathèque Suisse. Rencontre autour de ces Rencontres qui mettent en lumière les salles obscures…

Lausanne Cités : Fait remarquable, les Rencontres du 7ème Art sont un des rares festivals de cinéma internationaux sans compétition. Pourquoi ce choix ?

Vincent Perez :  Il  n'y a pas de compétition mais il y a bel et bien un trophée. Disons qu’on ne met pas en compétition l'œuvre des cinéastes car ce n’est pas le but du festival. Les invités viennent ici uniquement dans l'idée de parler de cinéma, de leur processus créatif, de leur amour pour le cinéma, sans rien à vendre, à promouvoir, et sans enjeu de compétition. L’essence du festival, c’est vraiment la passion, l'amour du septième art. Nous avons voulu créer un trophée pour symboliser cela, une sorte de cri du coeur, d’abord pour honorer Christopher Walken la première année. C’est devenu au fil du temps le prix Think Cinema, que nous aurons l’honneur de remettre à Léa Seydoux cette année, une de nos deux invités d’honneur. Le second est l’immense Jeremy Irons

Vous remettrez le prix au Musée Chaplin …

Oui ! L’objet est d’ailleurs un Chaplin en bronze magnifique qui lève son chapeau.

Du coup n’est-ce pas plus compliqué de convaincre les personnalités de venir s’il n’y a pas de compétition, de challenges ?

Non, bien au contraire. Il y a toujours des périodes où dans nos métiers, on a besoin de se ressourcer, de se rencontrer, de laisser de côté les multiples enjeux. Lausanne offre cette particularité là. Les invités sont heureux de venir, c’est une parenthèse qui nous permet de retrouver uniquement le plaisir partagé de nos métiers, mais aussi d’échanger, de réfléchir ensemble, d’explorer un exceptionnel patrimoine grâce à la Cinémathèque Suisse, et de regarder vers l’avenir.

Le festival, au fil de ces six éditions, est effectivement plein de moments de grâce, de rencontres intenses…

Oui, il y a eu ces moments avec Paul Auster qui étaient extraordinaires, par exemple. Je me souviens aussi de la conversation en public avec Christopher Walken, ou du carton plein qu'on a fait avec Joel Coen ! On a dû ouvrir une deuxième salle à l’ECAL tellement il y avait de monde ! Notre festival porte bien son nom de “Rencontres” et pour nous cela doit être le coeur de la démarche. Et c'est vrai que ça change tout d'être là sans devoir faire gaffe à ce qu'on dit, sans être en promo, sans être sous pression. C’est une bouffée de liberté pour les invités.

Il y a le Festival Lumière à Lyon qui est aussi un peu dans cette démarche…

Le Festival Lumière, c’est le grand frère. J’y vais chaque année, je suis membre fondateur du festival, et je suis très admiratif de ce que fait Thierry Frémaux, son créateur. De toute façon, moi je suis pour les festivals, que ce soit avec ou sans compétition, parce qu'on a besoin de communiquer sur le cinéma, de donner envie aux gens d'aller en salles, de découvrir des films … Il faut redonner au public l’idée que le cinéma est une expérience collective, un moment de partage …

Vous avez choisi Lausanne pour créer ce festival…

Je reste très attaché à cette ville, qui est la ville de mon enfance, de ma jeunesse. Et puis il y a ici les archives de la Cinémathèque Suisse, une collection incroyablement précieuse pour partager des grands moments du patrimoine cinématographique…

Pour cette 6ème édition, vous proposez notamment huit grands classiques à redécouvrir en salles.

Nous proposons lors de chaque édition d’explorer le patrimoine cinéma à travers une thématique. Cette année, nous explorons la frontière ténue entre rêve et réalité, avec des films qui se jouent de cette frontière, la brouille, mélange les perceptions. Il y a des chefs-d'oeuvre à voir et à revoir!

Le festival regarde aussi vers l’avenir avec une riche programmation d’avant-premières…

Effectivement, il y a beaucoup de films proposés au public en primeur, souventen présence des comédiens ou des réalisateurs. Cela donne aussi l’occasion de beaux moments d’échanges. Ces avant-premières, quand un film part à la rencontre du public, ce sont toujours des moments forts pour les équipes.

Le grand public est au coeur de votre programmation...

Au fil des éditions, nous nous sommes rendus compte de notre important rôle de médiation. Nous avons voulu multiplier les passerelles, en impliquant de plus en plus le public, un public le plus large possible, pas seulement les cinéphiles. Nous avons une offre dédiée au jeune public, aux familles, avec des programmations spécifiques, des ateliers, mais aussi de nombreux événements pour fêter le cinéma, et pas seulement des projections. Ainsi, cette année, nous proposons plusieurs concerts au D! Club et à La Datcha, mais aussi un ciné-concert à Barnabé, ou des événements à la Fondation Jan Michalski.

Vous êtes acteur, réalisateur, scénariste, producteur de festival… êtes-vous aussi resté un spectateur ?

Bien sûr ! Je vais au cinéma dès que je peux ! J’adore découvrir les films en salles. Récemment j’ai vu «Babylon» de Damien Chazelle, avec un couple de personnes âgées assis à côté de moi, et qui commentait absolument tout ! J’ai aussi vu «Tàr», avec Cate Blanchett, qui m’a impressionné, et l’excellent «Triangle of Sadness, de Ruben Östlund…

Quel est le chef d’oeuvre qui a le plus marqué votre mémoire de cinéphile ?

Je dirais que «Le Miroir» de Tarkovski et  ««Les Sept Samouraïs» de Kurosawa sont des souvenirs majeurs pour moi. Je garde aussi un profond attachement pour le cinéma de Frank Capra.

R7AL - Rencontres du 7ème Art Lausanne. Jusqu'au 12 mars https://www.rencontres7art.ch/