Un notable accusé de corruption et de gestion déloyale

JUSTICE - Un important procès se tient à Lausanne la semaine prochaine. Six hommes sont mis en cause dans un système de rétrocommissions sur un chantier au Boulevard de Grancy. 

Gestion déloyale aggravée, blanchiment d’argent et corruption. Tels sont les actes illicites retenus par le Ministère public central contre le cerveau présumé d’une affaire inédite à Lausanne. Le principal prévenu est un Vaudois d’origine libanaise qui s’était présenté, sans succès, à l’élection d’une municipalité vaudoise sous la bannière d’un parti politique. Il est accusé d’avoir abusé de ses postes au sein des institutions catholiques vaudoises pour siphonner des dizaines de milliers de francs au budget d’un chantier intérieur et extérieur d’un bâtiment au Boulevard de Grancy, de 2016 à 2018. Une partie de cet argent aurait même servi pour sa campagne. La bâtisse appartient à la Fondation des constructions paroissiales catholiques (FCPC).

Bakchich pour obtenir des mandats
Cette fondation a pour but d'aider les associations paroissiales catholiques romaines du canton de Vaud à édifier ou rénover leurs constructions servant aux missions pastorales. Elle est financée par la Fédération ecclésiastique catholique romaine (FECR). Reconnue comme institution de droit public, celle-ci reçoit un subside annuel du canton de Vaud. Quant au budget global des travaux prévus au Boulevard de Grancy, il avait été estimé à plus de 5,6 millions de francs par un bureau d’architecte lausannois mandaté. Dès 2016, une commission de construction (Comco) interne a été mise sur pied par la FCPC afin de piloter et de diriger les adjudications et les travaux. L’accusé principal y siégeait avec trois autres membres et choisissaient quelles entreprises obtiendraient des mandats. En plus de ses postes au sein de la FCPC, de la FECR et de la Comco, le notable vaudois était aussi salarié à temps partiel d’une entreprise à Lausanne, active dans l’électricité et les constructions.

Selon l’acte d’accusation du Ministère public, l’activité délictueuse a commencé quand les deux hommes se sont mis d’accord pour favoriser des sociétés qui travaillaient pour le patron du cerveau ou gravitaient autour. Il s’avère qu’il s’agissait principalement d’un réseau albanophone. Le deal consistait en des rétrocessions financières illicites et occultes versées pour travailler sur le chantier. Pour parvenir à cela, le membre de la fédération et de la fondation catholiques aurait joué de son influence auprès des autres membres de la Comco afin que ceux-ci lui délèguent tous les pouvoirs. Ni eux ni l’architecte ne participaient aux séances de négociations et aux adjudications financières. L’accusé était même parvenu à éviter des bureaux techniques censés contrôlés l’adéquation des coûts en phase avec le chantier.

Alerté par un entrepreneur
«C’est la plainte déposée par la Fondation des constructions paroissiales catholiques qui a permis au Ministère public d'ouvrir une enquête», nous confirme Anton Rüsch. Procureur spécialiste en criminalité économique, il a instruit tout le dossier pénal. La FCPC avait été alertée par le patron d’une entreprise mandatée par le notable vaudois et son complice, et qui ne souhaitait plus verser des commissions illégales réclamées pour intervenir sur le chantier. Il est lui aussi inculpé. En 2019, la FCPC et la FEDEC ont demandé à l’accusé de démissionner avec effet immédiat de ses mandats de vice-président ainsi que de tous les comités et conseils auxquels il appartenait au sein des institutions de l’Eglise catholique romaine du canton. Il a accepté par courrier du 25 février. Son avocat nous a annoncé qu’il plaidera l’acquittement car son client réfute toutes les accusations retenues.