Soprano a trouvé son étoile

MUSIQUE • Avec son sixième album, «Chasseur d’étoiles», le rappeur marseillais surfe sur les années 1980 et arrive à Lausanne le 4 juin prochain. Rencontre avec quelqu’un qui croit que les nuits, aussi profondes soient-elles, portent toujours la promesse de l’aube.

  • Soprano sera à Lausanne pour un concert qui s’annonce spectaculaire. PARRON

    Soprano sera à Lausanne pour un concert qui s’annonce spectaculaire. PARRON

Il a posé ses bagages dans un hôtel de Nyon. Une halte avant sa participation au Swiss Voice Tours à l’Institut du Rosey à Rolle. En juin prochain, sa tournée passera par le Stade de la Pontaise à Lausanne. En attendant, il se prête de bonne grâce au jeu des interviews qui se succèdent sans jamais - élégance ultime - laisser transparaître la moindre lassitude. Mieux, il sourit parce que dit-il, c’est le choix qu’il a fait, au début de sa carrière. Quand, plongé dans les affres de la dépression, il cherchait quelque chose de plus grand que lui.

La famille? Essentielle!

«Puisqu’il fallait vivre, alors je devais accrocher une notion fondamentale à ma vie pour contrer les mauvais tours du destin. En pensant de manière positive, des belles choses sont arrivées, les unes après les autres. Une maison de disque m’a contacté, j’ai rencontré ma femme et j’ai eu mes enfants». La famille, c’est bien elle qui empêche l’artiste, que les sondages hissent au top 4 des personnalités préférées de nos voisins français, de ne jamais perdre pied. La famille au sens large d’ailleurs, son frère, sa sœur et ses cousins travaillent à ses côtés. Le clan veille à ce que le plus adulé des chanteurs de la scène rap ne contracte le virus de la mégalomanie. «Mes amis d’enfance sont là aussi, jamais très loin de moi. Et quand nous sommes ensemble, nous redevenons les adolescents que nous étions sur les bancs du collège. Je ne peux pas jouer les stars avec eux». Soprano sait que cet équilibre est fragile. Qu’à tout instant, les funambules, que nous sommes, peuvent dévier de leur trajectoire.

Mais l’espoir, thème qui traverse l’ensemble de sa discographie, ne doit jamais s’éteindre. «Tout à l’heure, j’écrivais une chanson, 3615 bonheur, je cherchais un chemin pour dire que la désespérance n’est pas un état figé. J’en suis la preuve».

Quête créative

Des mots contre les maux, ce n’est pas une mission que le quadragénaire s’est assignée, c’est bien plus que cela. C’est une intime conviction qu’il veut transmettre à ses propres enfants comme à tous ceux que les paroles de ses chansons émeuvent. Ainsi parle Soprano, loin des critiques de ceux qui lui reprochent d’avoir trahi le rap d’avant. Celui qu’il scandait avec son groupe Psy 4. A cela, il répond que la musique ne peut pas être un art catégoriel et que ceux qui la pratiquent doivent pouvoir se balader sur toutes les gammes. «Le processus créatif, c’est une quête qui nécessite que l’on explore encore et encore et non pas que l’on reste comme arrimé à un style».

Comme Rimbaud, Soprano plonge dans l’infini pour trouver du nouveau. Et c’est en observant ses enfants face à leurs héros de séries et de jeux vidéos que l’idée de l’album est née. Le voilà qui donne de nouvelles couleurs à La Boum, au Grand Bleu, à Bruce Lee, à Forrest Gump encore. Autant de fictions dont les personnages principaux ont accompagné ses tendres années. Et puis, il y a Le Roi Lion, un dessin animé porteur de valeurs altruistes, celles-là même que Soprano distillent dans ses textes. Mais ce Roi Lion qu’il ressuscite a un écho particulier. «C’est un hommage à mon père disparu en 2020 des suites de la Covid-19».

Percuter l’émotionnel

Soprano aime que ses messages captivent tous les enfants, leurs parents et leurs grands-parents. Et puis, s’il invente des phrases qui percutent l’émotionnel, c’est parce qu’il est convaincu que la forme est importante dans un monde où tout défile à vive allure. «Mais cette nécessité impérieuse n’est pas incompatible avec la profondeur, le sens». Alors si son dernier opus est un hymne à l’enfance, celle des boules à facette, des walkmans, des dragons et des extraterrestres de Spielberg, Saïd M’Roumbaba raconte bien d’autres choses encore. Le jeune Comorien, qui a grandi dans les quartiers Nord de Marseille, évoque le déracinement, la fracture, les horizons inaccessibles en même temps que la possibilité d’une île ou plutôt d’une étoile. Cours vers qui tu es dit son Forrest à lui. Et si la vie n’était qu’une chasse éternelle vers son étoile?

Soprano, le 4 juin 2022 au Stade de la Pontaise, Lausanne