«Culpabiliser les non-vaccinés serait une erreur»

SOCIETE • A l’heure où les tensions entre les citoyens vaccinés et les autres sont à leur comble, Vanessa Juarez, psychologue à l’Université de Lausanne, met en garde. Elle rappelle qu’il est préférable d’écouter les non-vaccinés plutôt que de les isoler.

  • Selon Vanessa Juarez, nos modes de vie seront forcément impactés ces prochaines années. 123RF

    Selon Vanessa Juarez, nos modes de vie seront forcément impactés ces prochaines années. 123RF

Lausanne Cités: Depuis le début de l’été, la plupart des mesures sanitaires ont été levées et les gens ont envie de se relâcher, vous les comprenez?

Vanessa Juarez: Je ne parlerai pas de relâchement total. Il est vrai qu’une lassitude, un essoufflement se fait sentir, mais cela ne veut pas forcément dire que la population ne fait plus attention.

Certaines personnes sont vaccinées, d’autres non, la pandémie accentue les divisions au sein de la population?

Le débat autour de la vaccination, qui n’est d’ailleurs pas nouveau, rend visibles différentes manières de percevoir la santé, mais aussi notre rapport aux institutions et à la science. Ces débats génèrent des catégories comme, les pro et les anti-vaccins. C’est notamment la manière de les mobiliser qui peut accentuer ces divisions au sein de la population.

Il faut culpabiliser les non-vaccinés ou, au contraire, écouter leurs doutes?

Culpabiliser ne ferait que rompre le dialogue. Il faut plutôt accepter que le vaccin puisse susciter des réactions et essayer de mieux comprendre ce qu’il y a derrière. Opposition et hésitation sont deux choses différentes. Mais de manière générale, il faudrait pouvoir apporter des réponses claires et fondées qui rétablissent la confiance, elle est fondamentale dans une crise comme celle que nous vivons aujourd’hui.

Transformer le certificat de vaccination en sésame pour aller au restaurant, au cinéma ou au théâtre, comme c’est le cas depuis lundi en Suisse, c’est une bonne idée?

Les mesures mises en place par les autorités facilitent les voyages ou encore les activités sociales pour les vaccinés, cela peut être une source de motivation. Toutefois, d’autres les décrient car elles seraient, au même titre que la vaccination, une intrusion du pouvoir étatique. Le risque est de voir, au gré des débats, chacun se retrancher dans ses positions.

Quelles seraient les conséquences sur la population d’un retour à la «cage départ» cet automne avec un nouveau confinement?

Les précédentes vagues ont montré une capacité d’adaptation de la part de la population, ce qui ne veut pas dire que ça se soit fait sans difficultés. Il ne faut pas oublier que tout cela est venu se greffer à des problèmes déjà existants tels que la précarité. Un retour à des mesures plus restrictives risque d’accentuer ce type de problématique, il faudra donc y être attentif et trouver des solutions pour y répondre. Et puis, pour revenir au vaccin, il y a le risque que le débat se polarise autour de l’attribution de la responsabilité de ce retour à des mesures plus contraignantes. Résultat d’un taux de vaccination trop faible pour certains et vaccin inefficace pour d’autres.

Le monde d’après, c’est un écran de fumée ou vous y croyez?

Une crise telle que nous la vivons aujourd’hui, met face à des défis en tant qu’individus, mais aussi société. Il ne s’agit en aucun cas d’en minimiser les impacts mais de considérer que les périodes d’instabilité offrent la possibilité de la réflexion. En ce sens, nous avons vu émerger de nombreux débats autour de nos modes de vie et de consommation. Il est encore un peu tôt pour dire si des changements durables vont se produire, mais des prises de conscience ont lieu.