Seniors à 45 ans, un vocabulaire stigmatisant?

SOCIOLOGIE• Le monde du travail ne fait pas dans la dentelle. Les collaborateurs sont des seniors à 45 ans. Pas mieux du côté des administrations où les jeunes sexagénaires entrent dans la catégorie du 3e âge. La société occidentale peine-t-elle à vivre avec son temps?

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Les progrès de la médecine et l’hygiène de vie ont en effet fait reculer d’une décennie au moins la réalité sociale des pré ou jeunes retraités. Sylvie, qui s’apprête à fêter ses 63 ans ne ressemble pas à sa grand-mère lorsque celle-ci avait le même âge. Son look, ses loisirs très sportifs sont très éloignés de l’apparence et du mode de vie de son aînée. Alors, quand on la catégorise du côté des personnes du 3e âge, elle s’irrite. D’autant, dit-elle, «que depuis près de vingt ans, mon employeur me considère comme une senior».

Une catégorie plus hétérogène

Etonnant? Pour Cornelia Hummel, professeure associée du département de sociologie de l’Université de Genève, ce glissement sémantique vient tout droit du monde du travail anglo-saxon. Avec une déclinaison en deux temps, les juniors qualifiant les employés disposant de peu d’années d’expérience et les seniors plus aguerris. C’est donc moins une question d’âge que de maîtrise. «Et hors du champ professionnel, c’est du côté du marketing qu’il faut se tourner. Les experts en technique commerciale se sont mis à découper la population pour établir des axes de vente. La terminologie senior a oscillé de 55 à 50 ans», reprend l’universitaire. Et la société civile a pris le relais en optant pour la dénomination «personnes âgées» en lieu et place de «vieux», jugé péjoratif.

Les sociologues parlent de personnes âgées pour celles et ceux qui sont à la retraite. «En Suisse, la grande majorité des 65 ans a cessé son activité professionnelle en raison d’une moins grande souplesse des employeurs helvétiques à l’égard de cette catégorie de personnel et au regard des pays voisins – favorisant ainsi l’entrée des jeunes sur le marché du travail».

Alors? Les 60 ans et plus sont aujourd’hui une classe plus hétérogène qu’autrefois. Les différences relèvent de la catégorie sociale, du fait que l’on est isolé ou non, en bonne ou mauvaise santé. Mais si les actuels sexagénaires disent ne pas avoir l’âge de leurs artères, demain sera sans doute une autre histoire.

C’est ce que postule la professeure Hummel. «Les développements technologiques ont positivement impacté certaines professions mais la pénibilité liée notamment au stress risque de peser dans la balance des futures générations de retraités».