Jean-Yves Cavin: du jazz à tous les étages

MUSIQUE• Comme beaucoup de festivals, le Cully Jazz revient de loin, secoué par deux années de crise sanitaire. Alors que la 39ème édition bat son plein avec une programmation spectaculaire jusqu’au 9 avril, rencontre avec Jean-Yves Cavin, codirecteur du festival.

  • Jean-Yves Cavin (ci-dessous) a commencé comme bénévole au Cully Jazz Festival. DR

    Jean-Yves Cavin (ci-dessous) a commencé comme bénévole au Cully Jazz Festival. DR

Le jazz, une vieille histoire pour Jean-Yves Cavin, qui y est arrivé par la pratique d’un des instruments les plus jazzifiques qui soient: le saxophone. Il a dix ans, l’instrument est presque plus grand que lui et l’emmène à la découverte des grands standards, qu’il finit par apprécier à force de les jouer. Deux tubes ont particulièrement marqué ses jeunes années, des morceaux que toutes les paires d’oreilles du monde connaissent même sans le savoir, tant ils sont devenus universels: «Work Song» de Cannonball Adderley, et «Take Five» du Dave Brubeck Quartet.

Enfant du jazz par la pratique, le jeune Jean-Yves est aussi un enfant de Cully. C’est là qu’il a commencé son solfège, pratiqué son instrument, tutoyé les classiques, jusqu’à s’inscrire comme bénévole au festival en 2002. Il avait 20 ans.

Deux passionnés

Il faut dire que chaque année depuis bientôt 40 ans, à cause du rêve de deux passionnés, Daniel Thentz et Emmanuel Gétaz, le moindre recoin, caveau, jardin, parc et monument du village résonnent de notes bleues une dizaine de jours durant. Impossible de déambuler dans les ruelles sans entendre un bout de concert, un solo, une envolée de notes, sans croiser des musiciens en goguette, stars incontournables ou en devenir, jeunes pousses ou vieilles légendes.

«J’ai commencé bénévole derrière un bar, puis on m’a donné plus de responsabilités: d’abord à l’économat, puis responsable d’un bar, puis membre du comité d’organisation dès 2007». On lui confie par la suite la programmation du festival OFF en 2009, et celle du festival IN dès 2011, aux côtés de Carine Zuber (jusqu’en 2015) et d’Arnaud Di Clemente, qui est toujours en charge de la programmation du Temple.

Ascenseur pour le Lavaux

C’est en 2015 que Jean-Yves Cavin prend la codirection du festival avec Guillaume Potterat. Ce qui est aujourd’hui un métier à mi-temps a longtemps été un engagement bénévole. «J’ai été pendant de nombreuses années chef de projet à l’agence de communication Plate Bandes, conjuguant la codirection du festival en tant que bénévole jusqu’en 2019.» Cette année-là, l’organisation du Cully Jazz change. Jean-Yves frôle le burn-out à force de cumuler les casquettes, et il doit ralentir la cadence. «Je suis devenu employé du festival à 40% et père au foyer le reste du temps.» Une nécessité.

A l’été 2020, il participe à la création d’un groupe des Verts pour la commune de Bourg en Lavaux et est élu à la Municipalité. Chargé de l’urbanisme, de la durabilité, des affaires sociales et de la communication pour la Commune, il s’est épanoui dans une vocation politique qui le titillait depuis quelque temps. «Cela faisait plusieurs années que je réfléchissais à m’investir pour la collectivité. Il me fallait juste trouver la bonne façon.» Alors que le festival fêtera sa 40ème édition en 2023, on ne peut être qu’épaté par la fidélité de l’événement à ses valeurs de base et la pérennité de son identité. Quel est le secret pour bien vieillir sans se trahir? «On n’a jamais perdu de vue nos valeurs fondatrices. Même si le festival a été tenté de revoir son format par le passé, on s’est finalement recentré sur ce qu’on aime faire et sait faire: un festival à taille humaine, curieux et ouvert d’esprit, proche des gens.»

Univers musical

Si, dans le nom du festival, le mot jazz a évidemment son importance, il n’est pas une fin en soi. Le jazz est un univers musical complexe, perpétuellement tiraillé entre un patrimoine très riche et une créativité permanente qui casse les codes. «Ce qui est certain, c’est que nous ne regardons pas vers le passé. Notre ligne de programmation est résolument tournée vers l’actuel, voire l’avenir.» Au volant du festival, Jean-Yves Cavin a l’œil tourné vers l’horizon, loin devant, plutôt que coincé dans le rétro. Si bien qu’aujourd’hui, le Cully Jazz se revendique plus que jamais comme une bulle de créativité permanente, un lieu de rencontres en ébullition, une constellation de micro-festivals qui fusionnent pour rayonner d’une joie sincère et d’une explosion de création.

Soyons clairs: l’amateur de notes bleues va en prendre plein les yeux tant les légendes s’enchaînent dans le programme de cette année: Dee Dee Bridgewater, Richard Galliano, Chucho Valdés ou encore Poppa Chubby sont au rendez-vous! «Cette programmation est miraculeuse, alors même qu’à l’automne dernier on commençait à peine à prendre des engagements, dans un contexte plus qu’incertain. Aligner ces quatre immenses références est aussi un miracle.» Si les stars seront bel et bien au rendez-vous, les découvertes et révélations tiennent aussi le haut de l’affiche, avec notamment le guitariste virtuose Thibaud Cauvin, et les enfants du festival que sont Gauthier Toux, Andrina Bollinger, JØØN et Marie Krüttli.