Plans sexuels et achat de drogues via Telegram: une arnaque cible Lausanne

CYBERESCROQUERIE • Des escrocs basés à l’étranger se font géolocaliser au centre de la capitale vaudoise sur l’application de messagerie pour y proposer des services illégaux en échange d’un paiement via des codes de cartes prépayées. La police met en garde.

  • Extrait d’une discussion avec l’un des cyberescrocs.FNT

    Extrait d’une discussion avec l’un des cyberescrocs.FNT

  • Les brouteurs parviennent à duper l’application pour se faire géolocaliser en ville de Lausanne. DR

    Les brouteurs parviennent à duper l’application pour se faire géolocaliser en ville de Lausanne. DR

«Ce procédé revient à une cyberescroquerie à l’avance de frais» Sébastien Jost, porte-parole de la police lausannoise «Ce procédé revient à une cyberescroquerie à l’avance de frais» Sébastien Jost, porte-parole de la police lausannoise

«Je suis disponible pour des moments de plaisirs, intéressé?» Ce type d’annonce, accompagnée de photos érotiques, voire pornos, pullule sur la messagerie Telegram. Il suffit de cliquer sur «contacts» puis «personne à proximité». Elles proposent aussi toutes sortes de drogues et du Viagra. Une condition stricte s’impose cependant rapidement lors de la transaction: l’argent en cash est exclu. Les profils qui font miroiter ces services sexuels, ainsi que la livraison de substances illégales ou sur ordonnance médicale exigent une transaction avec des cartes prépayées. Soi-disant par sécurité, pour éviter de se faire avoir par des clients malintentionnés. Elles invitent à se rendre dans des commerces ou des bureaux de tabac pour en acquérir, ou sur des sites internet officiels qui vendent virtuellement de telles cartes munies d’un code secret.

Le piège des brouteurs africains

Le piège se referme sur le client au moment où il accepte de prouver, avant la rencontre espérée, son achat de carte ou de «ticket». L’arnaqueur lui demande de lui envoyer sur Telegram une photo contenant le code secret ou juste ce dernier afin de «vérifier» la bonne foi de la future victime. Dès que ce numéro est transmis, la personne mal intentionnée accède en ligne à son compte virtuel qui contient le montant acquis et le transfère tout de suite sur un autre support qui lui appartient.

A ce moment-là, le client ne peut plus tracer la somme. Quant au malfrat, il aura disparu et changé de numéro. Ces pratiques sont le fait de brouteurs. En lieu et place de paisibles herbivores, il s’agit d’escrocs souvent domiciliés en Afrique qui passent leur journée à brouter l’argent des naïfs. Spécialisés en arnaques sur internet, ils parviennent à indiquer une géolocalisation proche de chez vous sur Telegram.

Cyberescroquerie depuis l’étranger

Il ne faut évidemment jamais accepter les versements par carte ou ticket prépayés. Et être attentifs sur des points suspicieux. Pourquoi la personne qui se trouverait à 500 m de chez vous sur Telegram vous demanderait dans quelle ville vous habitez? Pourquoi s’enquerrait-elle des montants en euros alors qu’elle prétend être en Suisse? De plus, le système de «ticket trancash» existe en France depuis plus de 20 ans mais pas en Suisse. Il est aussi proposé d’acheter une carte Google Play ou des prépaiements en bitcoin, là encore munis d’un code secret prisé par les brouteurs.

Après avoir appâté les acheteurs grâce à des prix attractifs et des photos racoleuses, les pseudo prostituées et revendeurs illégaux demandent toujours d’être payés en amont via ces cartes ou de dévoiler ledit code. Ils savent se montrer persuasifs. «Ce procédé revient à une cyberescroquerie à l’avance de frais, indique le porte-parole de la police lausannoise Sébastien Jost. Nous sommes au courant de son existence, notamment sur le sol français.»

Identification et localisation très difficiles

Face à cela, la police dit agir de manière proactive par diverses communications préventives tout au long de l’année. Tente-t-elle de traquer ces individus sur Telegram? «Nous travaillons sur ce type d’applications lors d’enquêtes, explique le porte-parole de la police. En cas de plainte pour cyberescroquerie, tous les moyens à disposition sont employés pour identifier les auteurs et les traduire en justice. D’importantes mesures sont prises afin de lutter contre le trafic de stupéfiants. Mais traquer ces personnes sans qu’une infraction n’ait été effectuée apparaît comme difficile. Si elles se trouvent à l’étranger, cela nécessitera une commission rogatoire internationale avec l’ouverture d’une enquête auprès du Ministère public.»

Sébastien Jost précise que cela ne peut avoir lieu sans les éléments objectifs constitutifs de l’infraction d’escroquerie. Pour cela, la perte d’argent doit être constatée. De plus, compte tenu des technologies utilisées, l’identification et la localisation des auteurs ne sont pas garanties. Peu de victimes osent porter plainte (lire l’encadré) en raison du sentiment de honte d’avoir fait appel à une prostituée ou à un dealer.

 

Des hommes arnaqués témoignent

La police de Lausanne indique qu’aucune enquête n’est actuellement ouverte sur ce genre de pratiques. «Le fait que la prostitution soit légale en Suisse (ndlr: contrairement à la France) limite très certainement le phénomène, et nous n’avons pas connaissance d’arnaques telles que celle décrite au sujet de stupéfiants», explique Sébastien Jost. Pas facile de trouver des témoignages de victimes. Sur le forum d’un site romand au contenu coquin, des hommes dévoilent s’être fait avoir et tirent la sonnette d’alarme. L’un d’eux assure avoir rencontré un brouteur qui s’est vanté de gagner 2000 francs par mois avec cette méthode bien rodée de transfert d’argent numérique.