«Les papas sont souvent considérés comme des parents de seconde zone»

DROIT PARENTAL • En cas de divorce conflictuel, trop souvent, les enfants mais aussi leurs parents trinquent. Fort de plus de 25 ans d’expérience, l’ardent défenseur de la condition paternelle, Julien Dura, publie un brûlot sur ce thème délicat. Interview.

Julien Dura vient de sortir «A la mémoire des parents de seconde zone». Il y dénonce les «nombreux dysfonctionnements» des systèmes judiciaires et sociaux dans la gestion des séparations difficiles et de la garde des enfants. L’occasion de faire le point avec cet infirmier assistant, ayant grandi à Lausanne.

Lausanne Cités: Le combat pour les pères divorcés est une vocation pour vous. Pourquoi?

Julien Dura: A 53 ans, j’ai deux divorces derrière moi. Le premier a eu pour conséquence de ne voir mon fils aîné qu’au compte-goutte de ses 5 à ses 15 ans puis plus du tout depuis. De cette souffrance est né mon engagement associatif. J’ai été 25 ans durant porte-parole du Mouvement vaudois de la condition paternelle. Et en juin, j’ai lancé le Mouvement parents, enfants, jeunesses (MPEJ), lequel se penche de manière plus systémique sur ce problème.

Qui sont ces «parents de seconde zone» mentionnés en titre de votre livre?

Ce sont le plus souvent des papas, même s’il arrive aussi que quelques mères soient victimes du système judiciaire. Les mentalités ont évolué concernant les rapports hommes-femmes et la place des femmes dans la société. Malheureusement, ce n’est pas le cas sur les questions de divorce et de garde des enfants, tout au moins en ce qui concerne les juges et les assistants sociaux en charge… L’homme reste bien souvent victime du stéréotype qui voudrait que madame soit la seule répondante crédible concernant leurs enfants, tandis que monsieur devrait se borner à assurer l’aspect financier. La garde est d’ailleurs encore très majoritairement confiée aux mères.

L’entrée en vigueur en 2014 de l’autorité parentale conjointe a pourtant changé la donne…

En théorie oui, mais le législateur ne s’est pas donné les moyens répressifs qu’elle soit appliquée sans possibilité de se dérober. Résultat: elle n’est souvent pas respectée dans les faits. Les accusations mensongères de négligence, de maltraitance ou d’abus sexuels, laissent presque toujours des traces et le père en fait les frais d’une manière ou d’une autre. Au final, tout semble prétexte à lui retirer l’autorité parentale... Même la Convention des droits de l’enfant de l’ONU n’est pas toujours respectée en Suisse. Notre pays a 50 ans de retard sur ces questions.

Vous n’êtes pas tendre avec la Direction générale de l'enfance et de la jeunesse (DGEJ). Pourquoi?

Les personnes y travaillant manquent cruellement d’expérience en matière de droit de la famille. Elles estiment par exemple que voir son enfant une heure, une semaine sur deux, est suffisant pour entretenir une relation! De plus, les assistants sociaux sont très majoritairement des femmes. Cela biaise parfois la gestion des conflits. Il n’est pas rare non plus de voir son cas remis entre les mains d’une personne tout juste sortie de l’université et sans enfant qui va servir benoitement ses théories à des parents expérimentés. Et quand à cette inexpérience s’ajoute l’ivresse de ce petit pouvoir, cela débouche sur des dérives dramatiques.

Vous dénoncez aussi un «véritable business du divorce». De quoi s’agit-il ?

Par cupidité pure, certains avocats font traîner des procédures déjà interminables avec cynisme et opportunisme sans sembler se soucier des souffrances engendrées...

Quelles solutions proposez-vous?

D’instaurer un Tribunal de la famille comme cela existe par exemple au Canada. Des juges spécialisés et non politisés y siègent, entourés d’intervenants très au fait de ces questions. Ensemble, ils pensent solutions plutôt que répression. Cette évolution ne s’imposera pas du jour au lendemain. En attendant, on pourrait imaginer qu’une instance indépendante surveille les services sociaux. On éviterait ainsi bien des dérives. Les intérêts de l’enfant primeraient alors vraiment…

Que conseillez-vous à un parent aux prises avec un divorce conflictuel?

De bien se renseigner auprès d’associations spécialisées avant d’entreprendre quoi que ce soit. Je préconise aussi de trouver un ami ou un parent à qui se confier et ainsi affronter cette épreuve avec le plus de force et de recul possible. Il faut aussi s’efforcer de bien communiquer, éviter de dénigrer l’autre parent devant vos enfants et éviter de les mettre dans des conflits de loyauté psychiquement dévastateurs!