La réincarnation de Monsieur Propre

En voiture électrique, notre chroniqueur se réincarne en... M. Propre... A tort ou à raison?

Je me suis offert quelques jours de repos dans le Sud. Comme d’autres, j’ai opté pour la location d’une voiture électrique. Je roule l’esprit léger, la conscience tranquille. Sous la chaleur étouffante, je craque pour une petite barquette de fruits exotiques prédécoupés, estampillée bio. C’est frais, léger, et elle contribue à atteindre mon quota journalier de cinq fruits et légumes. Je les dégusterai au bord de ma piscine avec le sentiment du devoir accompli. Je suis la réincarnation de Monsieur Propre.

Posé sur mon transat, je repense aux propos d’un ami sur le business florissant de la «fresh découpe» au Ghana. Les barquettes y sont réfrigérées à grand renfort d’énergie sale, livrées par avion pour se retrouver le lendemain sur nos étals. Je repense aussi à cette question posée trois fois à un chantre romand de la transition énergétique sur l’impact environnemental et social lié à l’extraction des métaux rares utilisés dans la production des batteries de nos voitures. A trois reprises, il éludait.

C’est que l’extraction du lithium, du graphite ou du cobalt a des effets dévastateurs sur l’écosystème et la santé des populations locales d’où provient ce nouvel or. Ces «gueules noires» vertes travaillent dans des conditions déplorables pour nous offrir un monde plus propre, en salissant le leur. Face à l’horreur, je me serre un verre de rosé et me rappelle avec satisfaction qu’il provient des vignes qui s’étendent sous mes yeux. Voilà ma conscience blanchie par le circuit court après plusieurs heures passées dans les bouchons.