Les cyber-harceleurs peuvent être punis dès l’âge de dix ans

VIOLENCE • Le harcèlement sur les réseaux sociaux se classe parmi les formes de violence scolaire les plus répandues. Ce d’autant que dès l’âge de dix ans, les enfants sont pénalement responsables de leurs actes.

  • Pour la victime, le cyberharcèlement engendre un sentiment de détresse. 123RF

    Pour la victime, le cyberharcèlement engendre un sentiment de détresse. 123RF

Lors de la dernière rentrée scolaire, certains parents ont peut-être découvert un point de droit qui leur avait sans doute échappé. A savoir l’âge auquel la responsabilité pénale de leurs enfants s’exerce et que le législateur a fixé depuis 2007 dès leur dixième anniversaire. Depuis lors, de nombreux jeunes enfants ont fait l’objet de plaintes pour cyber-harcèlement dans l’ensemble de la Suisse. Ce que confirme l’avocat expert en droit des nouvelles technologies, Sébastien Fanti: «Je suis régulièrement mandaté par des familles dont les enfants sont les auteurs ou les victimes de cette forme insidieuse de violence.» Traduits devant le Tribunal des mineurs, les jeunes gens encourent des peines allant de l’amende au travail d’intérêt général (TIG).

Prévention active

Des sanctions que Sébastien Fanti juge inadaptées. «Dans la majorité des cas, les cyber-harceleurs ne comprennent pas la gravité de leur faute. Et la sanction n’est pas de nature à leur faire prendre conscience que cette forme silencieuse d’agression peut générer chez leur victime de graves désordres psychologiques pouvant conduire au suicide.» L’homme de loi se déclare favorable à une prévention active plutôt qu’une judiciarisation. «Les établissements scolaires devraient se doter de médiateurs dûment formés aux nouvelles technologies et qui seraient en quelque sorte des référents de confiance pour les écoliers. Car aujourd’hui les parents ne sont pas tous en mesure d’exercer cette compétence.» Le spécialiste demande en outre que les harceleurs soient confrontés aux récits de leurs victimes et des souffrances endurées. Dans le canton de Vaud, cela n’est pas encore à l’ordre du jour, mais la lutte contre toute forme de harcèlement entre élèves est à l’œuvre depuis plusieurs années.

Graves conséquences

Depuis 2018, le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture s’implique encore davantage dans ce domaine. Sans compter les situations de cyberintimidation, un élève sur dix de 15 ans est touché par les phénomènes d’intimidation au moins une fois par semaine. Ce phénomène universel, qui existe dans toutes les écoles, a des conséquences sur la santé et sur les performances scolaires et le parcours des jeunes qui en sont la cible, mais aussi pour leurs familles. A la suite d’un plan d’action décidé en 2015, la conseillère d’Etat Cesla Amarelle a renforcé la capacité de prise en charge de ces situations en fixant trois objectifs: permettre à chaque élève d’évoluer dans un établissement qui prévient l’intimidation entre élèves, lui permettre d’avoir accès à des professionnels sensibilisés aux problématiques de ce phénomène, et enfin lui permettre, ainsi que ses parents, d’être informé des ressources et des processus en place avant qu’une telle situation ne se pose.

Briser l’effet de groupe

L’efficacité du dispositif vaudois pour la prise en charge et le traitement de ces phénomènes s’appuie sur la méthode de la préoccupation partagée (MPP) proposée par l’Unité de promotion de la santé et de prévention en milieu scolaire. Cette méthode, que l’on doit au Professeur en psychologie de l’éducation estonien Anatol Pikas, permet de briser l’effet de groupe grâce à des entretiens individuels avec l’ensemble des élèves qui auraient pris part à l’intimidation. La méthode part du principe que tout élève peut aider à ce que la situation de son camarade s’améliore et qu’il n’y a pas forcément intention de nuire. Le Canton rappelle également régulièrement que l’école se doit d’être un espace où chaque enfant a du plaisir à aller, non seulement pour développer ses compétences et acquérir du savoir, mais aussi pour rencontrer des camarades, s’épanouir et tout cela dans un climat serein.

Trois enfants par classe

Sur son site internet, Stop suicide fait état des chiffres suivants: «En Suisse, environ trois enfants par classe sont exposés au harcèlement scolaire. Les statistiques montrent que ce phénomène est en augmentation ces dernières années.» Ce fléau, affirme l’association, impacte fortement la santé mentale et physique, à court et à long terme. Il peut entraîner de la dépression, des troubles anxieux voire même le suicide. La violence subie durant l’enfance et l’adolescence augmente également le risque suicidaire durant la vie. «Or, avec la surconnexion des jeunes aux réseaux sociaux, le harcèlement peut devenir viral, car il ne se limite plus à la sphère scolaire.» Pour le prévenir, le site de prévention Surfer Prudent d’Action Innocence informe les adolescents et leur entourage sur les aspects positifs et négatifs de la navigation en ligne.

Pourquoi dix ans?

Dans son mémoire, Anne-Cécile Fauquex-Moret, de l’Institut universitaire valaisan Kurt Bösch, a élaboré quelques pistes qui ont conduit le législateur à adopter le seuil de minorité pénale à dix ans. Lequel figure parmi les plus bas d’Europe. «L’avant-projet soumis en consultation prévoyait un seuil plus élevé (douze ans), qui semblait faire consensus. Le Conseil fédéral ne l’a pourtant pas retenu dans son message aux Chambres et le Parlement s’est accordé sur l’âge actuel. Et ce notamment parce que la conscience de la faute était favorisée par une intervention précoce. La pression pénale avait un effet éducatif sur la jeune population qui avait acquis le sens du bien et du mal. L’âge de dix ans marquait en effet l’entrée dans la puberté et était adapté, situé juste entre l’enfance et l’adolescence», relève l’universitaire.