Un expert indépendant l’affirme: il ne faut pas détruire la forêt du Flon!

EXPERTISE • Lausanne Cités a demandé au Dr Martin Schlaepfer, chargé de cours à l’Institut des Sciences de l’Environnement de l’Université de Genève et co-porteur du projet genevois NOS-ARBRES, de se prononcer sur la valeur écologique et urbanistique de la forêt du Flon. Après s’être déplacé sur les lieux et avoir analysé le dossier, voici ses conclusions.

  • Pour le professeur Martin Schlaepfer, abattre la forêt du Flon et minéraliser l’endroit serait une perte irrémédiable. DR

    Pour le professeur Martin Schlaepfer, abattre la forêt du Flon et minéraliser l’endroit serait une perte irrémédiable. DR

Cette forêt a-t-elle une vraie valeur écologique et environnementale?

Il serait erroné d’analyser cette problématique uniquement au sein du périmètre du Flon, car les enjeux sont à plus grande échelle. Pour l’analyser, il me semble donc judicieux d’adopter un outil stratégique, tel qu’une «Evaluation Environnementale Stratégique», qui permet de comprendre comment chaque variante de projet, ainsi que l’absence de projet, nous rapproche ou bien nous éloigne de nos objectifs stratégiques environnementaux, qu’ils soient cantonaux ou nationaux.

Dans un projet comme celui du Flon, de quels paramètres stratégiques majeurs faut-il tenir compte en priorité?

Un paramètre qui capte une grande partie des enjeux environnementaux est la qualité du sol. En effet, un sol perméable et naturel, peu perturbé, peut non seulement soutenir des grands arbres, séquestrer du carbone, mais aussi générer de nombreux services qui contribuent à la santé de la population sur le long terme. Le projet du Flon irait à l’encontre d’un tel objectif. Une décision d’abattre les arbres et de minéraliser de la terre en centre-ville de Lausanne serait donc selon moi une perte irrémédiable. En outre, il me semble clair que certaines valeurs culturelles en lien avec la nature doivent aussi rentrer en considération. L’opposition de certains citoyens à ce projet laisse penser que cette forêt a pris une forte valeur symbolique, comme pour marquer une résistance à la minéralisation de la ville et dire simplement «stop ça suffit.»

Pourtant une compensation est prévue par la Municipalité puisque la surface défrichée serait en partie replantée…

La compensation de la forêt est à regarder avec beaucoup de méfiance pour trois raisons. D’abord, il y aura des pertes qui ne seront pas compensées dû au délai entre la coupe des arbres et les 50-100 ans nécessaires pour que les nouveaux arbres produisent leurs effets positifs escomptés. Ensuite, il n’est jamais certain que les arbres soient vraiment replantés tels que promis, ni qu’ils arriveront à survivre jusqu’à maturité, surtout en milieu urbain. Notre expérience en tout cas est que la compensation réalisée est très souvent en-deçà des projections. Enfin, la compensation hors-site n’est pas équitable dans la mesure où les populations qui souffriront de la perte de la forêt du Flon ne sont pas les mêmes que celles qui bénéficieront de la compensation sur la colline de Malley.

A vos yeux, et plus généralement, de quels enjeux doivent tenir compte les villes aujourd’hui lorsqu’elles lancent des projets comme celui du Flon ?

Du climat et de la biodiversité! Les collectivités doivent s’assurer que tout nouveau projet soit négatif en termes de carbone, pour atteindre l’objectif de la neutralité carbone en 2050. Ensuite, elles devront s’assurer que la variante du projet retenu contribue favorablement à la biodiversité et aux services écosystémiques. D’après les éléments que j’ai en main, il me semble évident que les variantes de rampe du projet du Flon, avec leur béton armé, grande source de CO2, les défrichements et l’imperméabilisation du sol, seront probablement très négatifs d’un point de vue climatique et pour la biodiversité à l’échelle locale. Mais cela reste à confirmer par une étude qui mesure les impacts indirects de chaque variante de projet et qui les mets en relation avec nos objectifs stratégiques nationaux.