Situé au cœur du quartier de Sévelin, à quelques encablures de la rue de Genève, le centre de distribution alimentaire des Cartons du Cœur n’est pas facile à trouver. Logé au rez-de-chaussée d’un immeuble, en contrebas de la route, il est le point de rencontre de ceux qui ne mangent pas à leur faim. Des hommes, des femmes, des enfants, qui s’y retrouvent chaque semaine. Ce jeudi, jour de notre reportage, un homme attend déjà patiemment devant la porte, vingt minutes avant le début de la distribution. Arrivent très rapidement une femme et sa fille, puis un autre homme. La queue grandit rapidement. Ce qui n’étonne pas Natacha, une bénévole: «Nous avons de plus en plus de demandes depuis le début de la pandémie, beaucoup de Lausannois souffrent financièrement, ils n’ont plus assez d’argent pour aller faire leurs courses au supermarché. Cela me rend triste.»
Indépendants touchés
Une inquiétude partagée par Elio Gasser, responsable de l’antenne lausannoise de l’association: «Nous distribuons entre 40 et 55 colis alimentaires par semaine, cela monte à 65 durant les fêtes de fin d’année. Ces derniers mois, nous avons de plus en plus d’indépendants qui ont tout perdu du jour au lendemain et qui n’ont pas droit au chômage.» Pas le temps de s’étendre plus longuement, les six bénévoles présents ce jour-là s’affairent à remplir les caisses destinées aux bénéficiaires. «Les gens doivent réserver leur créneau, ils ne peuvent pas venir sans prévenir, précise Claudine, une bénévole de longue date. En outre, ils ont l’obligation d’habiter à Lausanne et ne peuvent recevoir que quatre colis par année au maximum.» Des colis qui dépendent de l’arrivage du jour, ils contiennent cette semaine notamment des pâtes, du riz, des bananes, des courgettes, mais aussi des couches pour bébé, de l’huile d’olive, des soupes et du fromage. Des produits récoltés auprès des magasins, de la CARL (Centrale alimentaire de la région lausannoise), parfois achetés par la Fédération des cartons du cœur ou encore donnés par des particuliers et des entreprises.
Emotion perceptible
La porte s’ouvre enfin, il est 15h. Omar, le premier bénéficiaire, se présente muni d’un grand sac en plastique vide. Il ne le restera pas longtemps, les bénévoles le remplissent généreusement. L’homme repart en les remerciant. Natacha sourit: «Certains sont très discrets, d’autres nous racontent leur vie, c’est souvent très émouvant. On se rend compte que tout le monde peut un jour ou l’autre se retrouver ici. Heureusement, les gens sont très généreux en Suisse, nous recevons beaucoup de dons.» Un autre homme, âgé d’une cinquantaine d’années, fait face aux bénévoles: «C’est la troisième fois que je viens cette année, cela me ferait plaisir d’avoir un peu de pain.» Claudine s’exécute et lui propose des confitures et du beurre de cacahuète, la réponse ne tarde pas: «Oui, volontiers.» Dans la queue qui s’étend désormais sur plus de vingt mètres, un jeune homme est venu avec son frère: «Nous avions une petite entreprise d’événementiel à Lausanne, désormais nous devons mendier pour manger, tout ça à cause de cette maudite pandémie!» A l’intérieur, une petite fille crie son bonheur, les bénévoles viennent de lui donner un petit bonus: deux barres chocolatées…