Enfant, il s’entraînait en musique, sous le coup de midi, à la patinoire mythique de Montchoisi. Au restaurant, bondé, on a vu des gens oublier couteau, fourchette et ce qu’il y avait dans l’assiette, pour le voir patiner. Aujourd’hui, Noah Bodenstein, 15 ans, champion de Suisse junior à 3 reprises, confirme son talent. Il participe aux JOJ, suivant scrupuleusement son script à la lettre, pour rester dans son rôle. Itinéraire d’un enfant doué. Conséquence: dans quelques jours, il vivra de l’intérieur, avec ferveur, sur la glace de Malley 2.0, le plus grand événement sportif de sa jeune vie. «Mon but, dit-il, c’est de proposer des programmes propres. Le niveau mondial est très haut.»
Un entraînement intensif
Noah Bodenstein s’est préparé à Oberstdorf, commune de Bavière (altitude 843m). «Ici, les conditions sont très bonnes», loin de la ville et de ses bruits. L’air y est aussi plus sain. «Je passe 2 à 3 heures par jour sur la glace.» Le succès est à ce prix et la progression qui permet de rivaliser, aussi. «Noah Bodenstein est un patineur hyper élégant et il possède tous les triples sauts, sauf l’Axel», relève très enthousiaste Liliane Brède-Crosa, ancienne grande championne de patinage artistique (elle a participé, notamment, aux JO de 1960, à Squaw Valley), intéressée à voir l’évolution de la carrière du citoyen de La Conversion. «Pour passer à l’échelon au-dessus dans les deux ans, il faudra réussir le (ou des) quadruple. Je sais qu’il y travaille.» Le triple Axel, saut le plus compliqué, est aussi à l’étude.
Un danseur sur glace
Noah Bodenstein est un patineur animé par la grâce du chic. C’est aussi un danseur sur glace. Sa chorégraphe est Salomé Brunner. Tous deux ont choisi les musiques. La Zurichoise était également celle de Stéphane Lambiel. «Les interprétations de Noah sont très bonnes», ajoute Liliane Brède-Crosa. «De surcroît c’est un garçon très intelligent.» Il vient de terminer l’école obligatoire à Lutry et, précise l’intéressé, «depuis l’Allemagne j’ai fréquenté durant 4 mois une école pour sportifs à l’étranger, travaillant en parallèle pour l’obtention de ma maturité fédérale.» Au Canada il a aussi participé à plusieurs stages dans l’école de Brian Orcer, qui fut notamment champion du monde en 1987 et deux fois 2e aux JO de 1984 et de 1988.
L’apport de Peter Grütter
Un jour, qui commence à dater, Noah Bodenstein rencontra, à Oberstdorf, commune où des destins naissent, Peter Grütter, entraîneur historique de Stéphane Lambiel (2e aux JO de Turin en 2006, 2 fois champion du monde (2005 et 2006, 2e aux Européens de 2006, 2008 et 2010 et champion de Suisse à 9 reprises). « C’est M. Grütter qui m’a transmis la joie de patiner, souligne-t-il. Il a été mon coach. Dans mon cœur, il l’est resté.»
Joint entre Noël et le Nouvel An, le Genevois des Vernets dit: «Je l’ai découvert quand il était tout petit. J’étais le professeur de sa sœur. Noah? Il avait un coup de patin hors du commun pour son âge; il l’a toujours. Il est charismatique et il entend bien la musique. Il a été mon élève durant neuf ans (de 4 à 13 ans), jusqu’à son 2e titre de champion de Suisse juniors. A Malley 2.0, affirme le grand Professeur, Noah aura toutes ses chances, même s’il faut se méfier des Asiatiques; mais eux, ils ont une autre manière de s’entraîner.»
Le 6 janvier, Noah Bodenstein, accompagné d’autres jeunes sportifs, était quelque part à la Place de la Riponne pour l’arrivée de la torche des JOJ. A cette occasion officielle, le dernier compte à rebours, encore sans pression, avait commencé. Dans sa discipline, le patineur de La Conversion et du CP Lausanne partira comme un des favoris. Sera-t-il le meilleur européen? Noah Bodenstein ira-t-il chercher une médaille sur le podium sis au Flon? Suspense, sachant que le danger potentiel viendra de la Chine et/ou du Japon; et que la frontière séparant le succès du déboire est aussi fine qu’une lame sous une bottine.
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