Ne pas pouvoir porter de masque? Un calvaire!

DISCRIMINATION • Malgré une dispense médicale en bonne et due forme, nombre de personnes se voient refuser l’accès aux commerces si elles ne portent pas de masque. Une asthmatique lausannoise en fait régulièrement les frais et se bat contre une véritable discrimination. Mais que dit la loi?

  • DR

    DR

Pour Carmen Gomes, la généralisation du port du masque depuis le début de la pandémie est un véritable calvaire. Et pour cause. Cette Lausannoise est asthmatique et malentendante. Et de fait, par dérogation médicale, en raison de ses problèmes respiratoires, elle est légalement autorisée à ne pas arborer le masque dans les lieux où il est pourtant requis. Simple a priori, mais en réalité bien plus complexe qu’il n’y paraît.

Car cette séquence, elle l’a vécue mille fois: entrer sans masque dans un magasin, se faire apostropher parfois méchamment à l’entrée par le personnel, avant même qu’elle n’ait eu le temps de s’expliquer.

Violence sociale

«Il s’exerce contre nous une véritable violence sociale en rapport avec le port du masque, explique-t-elle. Quoi que j’aie pu faire, c’est une impasse, or j’ai absolument besoin de faire mes courses, comme tout le monde d’ailleurs. Le pire, c’est que dans la très grande majorité des cas, on refuse de prendre en compte ma dérogation, parfois même de la lire, arguant de soi-disant directives, alors que la loi prévoit expressément des exceptions». A chaque fois, parfois deux jours de suite dans le même magasin, Carmen doit expliquer et réexpliquer, encore et toujours, sans être entendue. Une situation d’autant plus ubuesque qu’elle n’entend pas, et que donc pour qu’elle puisse lire sur les lèvres, il faut aussi que son interlocuteur accepte, au moins temporairement de baisser son masque…

Contactés, les grands magasins s’expliquent: «Nous respectons les règles émises par la Confédération et les autorités régionales compétentes, sans nous substituer pour autant à la police, explique Tristan Cerf porte-parole de Migros. Si quelqu’un montre un certificat, il faut le laisser entrer sans masque». «Si une cliente ou un client peut démontrer de manière plausible qu’il(elle) bénéficie d’une dispense, nous l’accompagnerons lors de son achat afin que la distance minimale soit respectée, ajoute Sofia Conraths chargée de communication chez Manor. De même, nous proposons un service de collecte en ligne ou avec “click & collect” où les personnes vulnérables ou celles qui bénéficient d’une dispense de masque peuvent faire leurs achats en toute sécurité.»

Mais que dit la loi? Les magasins sont-ils en droit de refuser l’accès à une personne non masquée et munie d’un certificat médical en bonne et due forme? Pour en avoir le cœur net, le canton de Vaud, consulté à ce propos par la police de Lausanne et la gendarmerie vaudoise, a demandé un avis de droit à Berne à la fin de l’année dernière.

Commerçants libres

«En substance, explique Denis Pittet, délégué à la Communication du Département de l’économie, de l’innovation et du sport, les commerçants sont libres d’autoriser ou de refuser l’accès à leur commerce à qui bon leur semble.» Seulement voilà: dans une notice intitulée «Exemption du port du masque pour certaines personnes en situation de handicap» mise à jour le 18 janvier 2021, le Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées rappelle que «L’exemption (prévue par les autorités fédérales) vise à éviter que les personnes qui ne peuvent pas porter de masque pour des raisons particulières notamment médicales, se voient refuser l’accès à des établissements ou des services publics et qu’elles subissent des discriminations injustifiées»…

Liberté du commerce d’un côté, nécessité de ne pas discriminer de l’autre… la voie est donc particulièrement étroite. «Les commerçants doivent cependant veiller à ne pas créer de discriminations pour les personnes handicapées par exemple, résume ainsi Denis Pittet. L’OFSP nous mentionne que les commerçants peuvent mettre en place d’autres mesures avant d’en arriver à ce stade.»

Quant à Carmen, elle poursuit inlassablement son combat et elle obtient à l’arraché, de véritables petites victoires, alors que de plus en plus de magasins consentent des efforts méritoires. Tel directeur d’enseigne finit ainsi par sensibiliser son personnel au problème du port du masque. Tel autre, après moult discussions, finit par s’engager à acquérir des masques transparents pour son personnel. Des avancées qui n’entament pas sa détermination: «Parfois je suis vraiment épuisée mais je continuerai à me battre jusqu’à ce que j’obtienne des réponses à tous mes courriers, avertit Carmen qui a également déposé deux plaintes pénales. Il est important que les personnes avec un handicap puissent faire leurs courses sans discrimination et sans agressivité ni déni de la part du personnel des magasins».

Charaf Abdessemed