lettre ouverte à Yusuf Kulmiye: "Cher Monsieur, vous m’avez blessé"

Dans notre édition du 17 février, le conseiller communal socialiste Yusuf Kulmiye dénoncait un «profilage racial» pratiqué par la police et une «culture du déni» qui minimise la discrimination subie par les personnes d’ascendance africaine. Un de nos lecteurs, Jean-Pierre Villard, lui répond ici.

Vous êtes, Monsieur, conseiller communal et secrétaire du parti socialiste lausannois. A ce titre vos propos dans le Lausanne Cités du 17 février dernier engagent votre personne mais également le parti dont vous êtes membre. Vous pensez qu’«à Lausanne, le racisme est partout». Cette généralisation me semble totalement abusive. Pour exemple, vous citez la difficulté d’une personne d’ascendance africaine à trouver un logement ou un emploi. Il est vrai qu’au sein de la population la plus modeste, il s’avère difficile de se loger. Mais il est totalement faux d’affirmer que seules les personnes d’ascendance africaine se retrouvent dans cette situation. Il en va de même pour la recherche d’un emploi; c’est le plus souvent l’absence de formation professionnelle ou des carences dans la maîtrise du français qui sont à l’origine du problème. Là aussi, ce ne sont pas seulement les descendants d’Africains qui sont concernés.

La richesse moderne de la Suisse est fondée sur l’esclavage selon vous. C’est tout simplement absurde et cela traduit une ignorance de l’histoire économique et sociale de notre pays. La prospérité de la Suisse est née durant les «Trentes glorieuses», c’est-à-dire entre 1945 et 1975, la plus longue période de croissance économique que l’Europe a jamais connue. Cela n’a rien à voir avec l’esclavage, mais beaucoup à des politiques publiques dans le domaine de l’école, de la santé ou de la formation.

Je ne vous cache pas que vos propos m’ont fait mal, tant ils sont réducteurs et généralisateurs et je ne crois pas être le seul lecteur de Lausanne Cités à avoir ce sentiment. Je vis dans un quartier populaire et je croise chaque jour des écoliers qui jouent et rient ensemble, fréquentent les mêmes écoles et ont les mêmes possibilités de formation, ce qui est un trésor. En résumé, combattons les attitudes discriminatoires commis par des individus mais ne généralisons pas. Dans ce combat, nous sommes tous dans le même bateau.