Le tour de passe-passe de la Ville pour financer le Plan climat

PLAN CLIMAT • Alors que le Tribunal fédéral a ordonné à la Ville de rétrocéder un trop perçu de 34 millions aux clients des SIL, ceux-ci n’en verront pas la couleur. La baisse du prix est en effet compensée par une augmentation de taxe temporaire destinée à financer le plan climat de Lausanne.

La Ville reprend-elle d’une main ce que la Justice a donné aux Lausannois de l’autre? Et si, à l’aune des enjeux débattus à la COP26, la décision de la Municipalité peut sembler légitime, pour beaucoup, surtout à droite mais pas seulement, elle ne passe pas. Petit retour en arrière: en 2009, l’ElCom, la Commission fédérale qui surveille les prix de l’électricité en Suisse, ouvre une vérification des tarifs pratiqués par les SiL pour la période 2009-2010. Considérant que les tarifs de l’énergie électrique doivent se baser uniquement sur les coûts de revient de la production d’énergie électrique de la Ville de Lausanne qui, ellE,, affirme se baser sur les prix du marché, elle rend en 2016, une décision défavorable à celle-ci, qui fait aussitôt fait recours.

La Ville a surfacturé

Le litige remonte jusqu’au Tribunal fédéral (TF), qui a tranché l’année dernière: la Ville a bel et bien surfacturé l’électricité à ses abonnés entre 2009 et 2010 et devra donc leur rétrocéder environ 34 millions de francs. En comptant les clients de Saint-Sulpice, Prilly, Jouxtens-Mézery et Epalinges, cela fait au total plus de 110’000 ménages concernés et censés récupérer environ 310 francs chacun.

Sauf que les clients de Lausanne et environs n’en verront pas la couleur. Si la Ville a bel et bien formellement obéi à l’injonction du TF en rétrocédant le trop-perçu à la faveur d’une baisse du tarif de l’électricité (pour le Profil Simple nativa, la baisse moyenne est de 6%, soit 1.2 ct/kWh), elle le récupère en augmentant ses taxes, plus particulièrement celle pour l’efficacité énergétique et celle pour le développement durable qui se monteront toutes deux à 1.84 ct/kWh dès le 1er janvier 2022. «C’est inacceptable, tonne le conseiller communal UDC, Fabrice Moscheni. Les personnes qui ont trop payé en 2009-2010 ne récupèrent pas leur dû et, sur le fond, la Ville ne respecte pas du tout l’esprit de l’arrêt du Tribunal fédéral!».

La Ville quant à elle explique ce tour de passe-passe tarifaire - tout à fait légal - par la nécessité de financer son Plan climat. «Notre Plan climat est fortement soutenu par la population lausannoise et il faut bien trouver comment le financer, rappelle Xavier Company, le municipal en charge des SIL. Il faut relativiser cette taxe, car 34 millions répartis sur quatre ans cela paraît beaucoup, mais en réalité la baisse qui aurait eu lieu sans cette taxe aurait été de l’ordre d’une cinquantaine de francs par an et par ménage, soit cinq francs par mois en moyenne».

Légale mais pas morale?

Et d’ajouter: «La plupart des communes autour de Lausanne sont également en train de réfléchir à une taxe similaire pour financer, elles aussi, leur politique climatique. D’ailleurs, nous-mêmes devrons dans quatre ans trouver un moyen pérenne pour la financer». Reste que le montage financier imaginé par la Ville, aussi légitimé soit-il par l’urgence climatique, donne le désagréable sentiment que les arrêts du Tribunal fédéral ne sont concrètement pas suivis d’effets. «Cette augmentation de taxe est certes légale, conclut Fabrice Moscheni, mais sa moralité pose question.»