Le local d’injection du Vallon fait l’objet de graves accusations

Epuisement du personnel, agressions, deal de drogue, plusieurs employés de l’espace de consommation sécurisé du Vallon dénoncent de sérieux dysfonctionnements. La direction se dit abasourdie par ces accusations.

  • Photo Verissimo

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Rien ne va plus au local d’injection du Vallon. C’est en tout cas la certitude de Miguel*, un éducateur social qui travaille depuis deux ans au sein de cet espace de consommation sécurisé géré par la Fondation ABS: «Les dysfonctionnements sont si nombreux que les employés démissionnent les uns après les autres. En seulement un an, quatorze collègues sont partis. Ce qui n’est pas étonnant car le personnel est épuisé et la direction ne nous soutient pas.» Ce quinquagénaire a pourtant l’habitude de travailler au sein d’institutions qui accueillent des toxicomanes.

En trente ans de carrière, il avoue n’avoir jamais été autant en colère: «Je suis révolté par ce qui se passe au Vallon. La direction ferme les yeux sur le deal de drogue et elle se moque de nos problèmes. J’ai moi-même été agressé et menacé par un cocaïnomane. Lorsque j’en ai parlé à mon responsable, il n’a pas bougé. Quant au matériel stérile destiné aux injections, il est stocké dans une sorte de grotte très humide, ce qui n’est évidemment pas recommandé. Et que dire des mineurs qui ont régulièrement accès aux prestations alors que nous ne sommes pas censés les accueillir? Franchement, la situation est très grave et tout le monde s’en moque!»

Situation infernale

Ces dysfonctionnements sont confirmés par Stéphanie*, travailleuse sociale au sein de l’institution depuis son ouverture en 2018: «Plus les mois passent et plus la situation devient infernale. Le voisinage se plaint du comportement bruyant de certains toxicomanes, le personnel est à bout de souffle et notre direction s’en lave les mains, c’est tout bonnement hallucinant! Autre exemple, au début de cette année, en pleine pandémie, l’une des responsables a organisé une séance en présentiel avec une vingtaine de personnes. Tout le monde avait peur d’attraper le Covid ce jour-là. Cette anecdote démontre le laisser-aller de notre direction. Cette structure a pour vocation de venir en aide aux toxicomanes en faisant de la prévention, mais la réalité est malheureusement bien différente. C’est vraiment triste car nous aimons notre métier.»

Même son de cloche de la part de Jacques*, un ancien employé qui a lui aussi souhaité garder l’anonymat: «J’y ai travaillé plusieurs années et je peux vous assurer que la gestion RH est absolument catastrophique. Les démissions s’enchaînent et l’absentéisme est chronique. Du coup, les employés sont épuisés, c’est pour cela que je suis parti car je n’en pouvais plus.» 

Directeur abasourdi

Malgré la gravité des accusations, Matthieu Rouèche, directeur de la Fondation ABS, semble tomber des nues: «Je suis abasourdi car aucun employé n’a utilisé les procédures à disposition en cas de conflit avec la direction. A ma connaissance, il n’y a pas eu de séance réunissant l’ensemble de l’équipe en pleine pandémie. Il n’y a jamais eu de cluster à la Fondation ABS, chaque cas ayant été suivi par la direction. En ce qui concerne des usagers mineurs qui auraient bénéficié de nos prestations, c’est arrivé une seule fois et cette problématique a été traitée rapidement. Quant aux démissions en cascade, huit personnes sont parties en 2021, ce qui ne me semble pas anormal. Nous veillons à ce que notre personnel travaille dans d’agréables conditions, c’est mon souci quotidien.»

Des propos qui font bondir Jacques*: «Le directeur essaie de faire croire que tout se passe bien alors que son personnel est à bout. Qu’il ouvre enfin les yeux! Franchement, il est urgent qu’un audit externe soit mené afin de régler tous ces problèmes car le personnel n’ose pas parler par peur d’être «grillé» dans le milieu des addictions.» Pour rappel, le budget annuel de l’Espace de consommation sécurisé s’élève à environ 1,2 millions de francs, dont 450'000 francs sont financés par l’Etat de Vaud et 823'000 francs par la Ville de Lausanne.

Municipale en charge de ce dossier, Emilie Moeschler l’assure, elle ignore tout des nombreux dysfonctionnements dénoncés par les employés et ex-employés: «Jusqu’à ce jour, je n’ai pas eu connaissance des éléments que vous décrivez. La Municipalité porte une attention particulière au bon fonctionnement et aux conditions de travail qui prévalent au sein des institutions qu’elle subventionne. Elle prendra si nécessaire les mesures adéquates.» 

*prénoms fictifs, identité connue de la rédaction