«Le Canton doit nous rétrocéder une part des bénéfices versés par la BNS»

FINANCES • En 16 ans la facture sociale de la Ville est passée de 40 à 110 millions. En cause: la pandémie, une augmentation de la précarité et un report de charges de la part du Canton. Les explications de Florence Germond, municipale en charge des finances.

  • Florence Germond. VERISSIMO

    Florence Germond. VERISSIMO

Lausanne Cités: Comment, depuis la réforme Etacom de 2004, a évolué la facture sociale de Lausanne?

Florence Germond: La facture sociale a augmenté d’environ 70 millions de francs, passant de 40 millions environ à 110 millions, soit 171% d’augmentation. Ce sont ainsi 14 points d’impôts supplémentaires depuis 2004 que les contribuables lausannois consacrent au paiement de la facture sociale (22 points au total sur 78.5 points d’impôts communaux). Ces prestations sont indispensables pour la population et nous soutenons cette politique publique. Elle doit toutefois davantage être financée par le Canton.

Cette évolution est-elle due uniquement au report des dépenses qui s’est effectué sur la Ville, ou bien à la précarisation d’une partie de la population?

Nous estimons que la moitié de l’accroissement est due à la part plus importante à la charge de la Ville de Lausanne suite à la nouvelle répartition (cette part est passée de 9% à 13.6% sur la période). L’autre moitié est due d’une part à la précarisation d’une partie de la population, mais également à la mise en place de politiques publiques nécessaires et pertinentes pour un grand nombre de familles, comme le plafonnement des primes maladies ou encore les prestations complémentaire diverses.

Comment la Ville a-t-elle procédé pour absorber les dépenses liées à la facture sociale?

Si on reprend les chiffres, nous avons 70 millions d’écart entre les coûts de la facture sociale 2004 et 2021, soit un accroissement de 4.5 millions par an en moyenne (soit près d’un point d’impôt chaque année). Sachant que les revenus fiscaux augmentent bon an mal an de 1.5%, et que les charges de la facture sociale augmentent de 3.5%, il nous fallait trouver des mesures adaptées. Ces dernières années, la Municipalité a mis en place une gouvernance financière forte et des plans d’améliorations financières structurelles. Ces réformes ont porté leurs fruits, et améliorent les comptes de 75 millions chaque année, de manière pérenne. Je précise que la Ville a bien en parallèle continué de développer toutes les prestations à la population et autofinancé ses investissement.

En 2020, le poids de l’action sociale s’est-il aggravé à la faveur de la pandémie?

Il y a toujours un décalage entre le moment où se passe un évènement et le moment où il impacte une situation financière personnelle, et par extension les finances publiques. Donc certainement oui. La Ville a estimé cet accroissement à 5 millions de francs dans son budget 2021. L’on sait toutefois que les conséquences matérielles négatives de la pandémie pour la population sont en train de se réaliser maintenant, avec la prolongation des fermetures de pans entiers de l’économie, et des aides matérielles qui peinent parfois à venir rapidement. Il faut absolument que les instances fédérales et cantonales augmentent massivement les aides aux particuliers (RHT à 100% pour les salaires de CHF 4000 et moins) et indemnisent massivement les secteurs de l’économie qui n’ont pas le choix de fermer.

Etes-vous optimiste sur un allègement de cette facture à la faveur d’une reprise partielle de celle-ci par le Canton?

Les négociations passées nous montrent que ce dossier va dans le bon sens. Néanmoins, la pandémie touche et va continuer à toucher nos concitoyennes et concitoyens, dont une part plus importante va dépendre du filet de sécurité social. Il est donc indispensable que le Canton amène un soutien supplémentaire à ce domaine essentiel. Il pourrait d’ailleurs le faire en affectant une part des nouvelles recettes de la BNS pour diminuer la facture sociale des communes.

Négociations ardues avec le Canton

Ce n’est un secret pour personne. Au début des années 2000, le Canton était endetté. Très endetté, à hauteur de 9 milliards de francs. D’où l’idée de passer «la patate chaude» aux communes, en modifiant la répartition de la fature sociale, à 50%-50% entre le Canton et les communes, contre 2/3-1/3 auparavant. 20 ans après, la situation s’est inversée et ce sont désormais les communes qui souffrent d’endettement, alors que le Canton affiche une santé financière insolente. Après un retour à la proportion 2/3-1/3 en 2015, et après des années de négociations difficiles avec l’Union des communes vaudoises, un accord a abouti en 2020, le Canton acceptant de prendre progressivement en charge un montant de 150 millions de francs d’ici 2028.