«A Lausanne, la mafia italienne représente une menace»

ENQUÊTE • Loin des radars de la police, les mafieux sévissent sur l’arc lémanique. Leurs activités? Le blanchiment d’argent, le racket et l’achat d’armes. C’est ce que révèle Madeleine Rossi dans «La mafia en Suisse», un livre coup de poing au cœur du crime organisé.

  • Dans «La mafia en Suisse», paru aux éditions Attinger, la journaliste Madeleine Rossi révèle la face cachée du crime organisé. DR

    Dans «La mafia en Suisse», paru aux éditions Attinger, la journaliste Madeleine Rossi révèle la face cachée du crime organisé. DR

C’est en visitant les petits villages de Sicile avec ses parents que Madeleine Rossi a eu, dès son plus jeune âge, l’envie de découvrir le monde fascinant de la mafia. Après des mois d’enquête, la journaliste indépendante publie son deuxième livre «La mafia en Suisse». Une plongée passionnante dans les entrailles des associations criminelles italiennes.

Lausanne Cités: Dans votre livre, on apprend que la mafia italienne est implantée dans le canton de Vaud et à Lausanne, c’est une réalité qui fait froid dans le dos…
Madeleine Rossi:
Elle fait froid dans le dos car elle représente une menace quotidienne. Il y a des mafieux et leurs complices qui habitent dans la région lausannoise. Ce n’est pas parce que l’on n’en parle pas, que cela n’existe pas. Au sein de l’Office fédéral de la police, plus connu sous le nom de Fedpol, on sait ce genre de choses, même si cette réalité n’est pas toujours prise avec suffisamment de sérieux selon moi. Comme quand une enquête a été menée sur les patrons italiens d’un restaurant situé dans le quartier de Mon-Repos, l’affaire a finalement été classée par manque de preuves…

Et il y a cette histoire du frère d’un mafieux résidant à Bière et qui s’est démené pour se fournir des armes…
Oui, cette affaire est un peu folle. Cet homme s’est d’abord fait pincer pour trafic de stupéfiants. Ensuite, la police s’est rendu compte qu’il cherchait à se procurer des armes. Cela a été possible en mettant son téléphone sur écoute. Des profils comme celui-ci sont très nombreux en Suisse!

Très concrètement, quelles sont les activités de la mafia italienne sur l’arc lémanique?
Elle est active dans le trafic de stupéfiants. Mais aussi l’écoulement de fausses monnaies et le blanchiment d’argent. Ces activités lucratives ne suffisent généralement pas au crime organisé. Le racket existe aussi, mais il est difficile de le prouver car les gens ne parlent pas. Ils ont peur des représailles et cela se comprend. Je me souviens d’une compagnie de car qui effectuait régulièrement le trajet entre l’Italie et la Suisse. Des mafieux sont arrivés et ont demandé à son patron d’augmenter le prix des billets pour pouvoir encaisser la différence.

Vous affirmez aussi que la Confédération et la population souffre d’une méconnaissance de l’adversaire. Il faut comprendre que la mafia agit sans être véritablement inquiétée?
La population elle-même ne s’inquiète pas de cette présence mafieuse! Les victimes déposent rarement plainte, elles ressentent souvent de la honte de s’être fait racketter. On dit souvent que la loi helvétique a été pensée pour des paysans qui jouent du cor des Alpes le samedi soir, mais c’est un peu vrai. En d’autres termes, la Suisse est un territoire très confortable pour le crime organisé. Il peut agir en toute impunité. Fedpol fait ce qu’il peut, mais se plaint souvent de ne pas avoir les moyens de ses ambitions en ce qui concerne la mafia. Et il doit faire face à la présence des trois mafias italiennes: la Camorra de Naples, Cosa nostra de Sicile et la Ndrangheta de Calabre, ce n’est pas une mince affaire…

En conclusion, la mafia italienne a gagné son pari en Suisse, elle a su se faire oublier?
Exactement, c’est sa grande force. En étant invisible, elle peut tranquillement mener à bien ses activités et donc s’enrichir. Pour que les choses changent, c’est triste à dire mais il faudrait un règlement de compte spectaculaire. La population a besoin d’un électrochoc pour voir enfin la réalité en face.