Et si la Ville s’endettait (encore plus) pour économiser de l’argent?

DETTE • En empruntant à taux très bas, pour recapitaliser la dette de sa caisse de pension, la Ville pourrait économiser 35 à 40 millions de francs par an. Telle est la proposition d’un conseiller communal, jugée «juridiquement impossible et irresponsable» par la Municipalité.

  • A gauche, le syndic Grégoire Junod, à droite le conseiller communal Fabrice Moscheni. 123RF

    A gauche, le syndic Grégoire Junod, à droite le conseiller communal Fabrice Moscheni. 123RF

C’était une proposition tout à fait iconoclaste, mais qui reprend de la vigueur au moment où la ville présente son budget 2020, et surtout au moment où les taux d’intérêts n’ont historiquement jamais été aussi bas. Chaque année en effet, la caisse de pension de la Ville de Lausanne (CPCL) encaisse des cotisations et selon un système dit mixte, verse à ses adhérents plus de 100 millions de francs de prestations chaque année sous forme de pensions en cas de vieillesse, d’invalidité ou de décès.

68% de couverture

Seulement voilà: au 31 décembre 2018, selon son site internet, son taux de couverture s’élevait à 68% environ, un des plus bas de Suisse. En clair ses engagements vis-à-vis de ses affiliés sont largement supérieurs à ses recettes réelles. La différence, de l’ordre de plus d’un milliard de francs, est garantie par la Ville qui a d’ailleurs à plusieurs reprises consenti des injections de capital et de patrimoine immobilier. Et c’est là qu’intervient la proposition iconoclaste du conseiller communal UDC Fabrice Moscheni, lui-même membre du conseil de fondation d’une caisse de pension. Et si la Ville contractait un emprunt qui lui permettrait de renflouer cash la dette de la CPCL, partant du principe que le remboursement de l’emprunt reviendrait moins cher aux finances communales que la garantie de la dette de la CPCL «Nous vivons une opportunité historique en termes de taux d’intérêts, explique le conseiller communal. C’est une occasion à ne pas rater, en faisant d’une pierre trois coups: on recapitalise la caisse définitivement, la Ville économise chaque année 30 à 40 millions dans son budget, et on fait baisser les taux de cotisations salariales des employés de la Ville, qui y gagneront en pouvoir d’achat».

Bien que balayée par le Conseil communal, la proposition retrouve aujourd’hui une certaine pertinence à l’heure où les taux ont atteint un niveau historiquement bas. «Il faut aussi se méfier des solutions simplistes qui consistent à penser qu’on peut disposer d’argent frais sans dépenser un franc, c’est de la sculpture sur nuage réagit le syndic Grégoire Junod qui pointe du doigt plusieurs difficultés dont la première est juridique et financière.

Problème de compétence

«Une telle proposition ferait exploser le plafond d’endettement de la Ville de Lausanne, compétence dont nous ne disposons pas. A elle seule, cette proposition reviendrait d’ailleurs à augmenter de 50% la dette nette de la Ville de Lausanne, ce qui est à la fois juridiquement impossible et irresponsable sur le plan financier!»

«En réalité, cette dette existe déjà bel et bien, sous la forme d’un engagement vis-à-vis de la caisse de pension. C’est juste qu’elle ne figure pas dans le bilan des comptes de la Ville, rétorque Fabrice Moscheni. Certes il est vrai que le plafond d’endettement relève de la compétence du Conseil d’Etat. Mais c’est juste une question de courage politique: pourquoi la Municipalité ne saisirait-elle pas le gouvernement, arguant de l’opportunité historique que représentent ces taux d’intérêts particulièrement bas pour résoudre le problème lancinant du financement des retraites des employés de la Ville?»

Et d’ajouter: «Il y a deux ans, lorsque j’ai déposé le postulat demandant à la Ville d’étudier cette possibilité, les taux étaient de 1% et auraient permis d’économiser environ 20 millions chaque année. Aujourd’hui avec des taux proches de 0%, on pourrait même aller jusqu’ 35 à 40 millions d’économies! La preuve: il y a à peine 3 semaines, la Ville a levé un prêt de 100 millions à un taux de 0.05% sur une durée de 35 ans! Sans aucun doute nous reviendrons à la charge sur cette question au Conseil communal».

Budget 2020: 1.5 point d'impôt en moins pour le contribuable

La Ville de Lausanne vient de présenter un budget 2020 «s’inscrivant dans la continuité du budget 2019.» Les charges de fonctionnement sont maîtrisées malgré un contexte financier délicat, et la Ville entend poursuivre ses missions prioritaires en matière de prestations à la population. Bonne nouvelle pour le contribuable: le budget 2020 inclut également une baisse de la fiscalité sur les personnes physiques de 8 millions de francs, soit l’équivalent de 1.5 point d’impôt. A noter également, que le budget 2020 de la Ville de Lausanne affiche un déficit de 47.6 millions de francs.