Déjà dix ans de «câlins gratuits» pour Yago!

Yves-Alain Golaz dispense de thérapeutiques «free hugs» devant la gare de Lausanne depuis près d’une décennie. Il nous explique pourquoi.

A Lausanne, Yves-Alain Golaz est connu comme le loup blanc. Ce Vaudois à barbichette de 39 ans, aussi doux que rondouillard, distribue un câlin à quiconque lui en réclame devant la gare depuis dix ans. Et ce en général le jeudi en fin d’après-midi. Le résidant du Nord vaudois a enlacé plus de 10’000 personnes au fil des ans. Sa constance interpelle.
Grand timide
Pour ce grand timide, surnommé Yago et vivotant de petits boulots tout en œuvrant comme animateur sur Radio Nord vaudois, le «free hug» a été une révélation. «J’ai découvert cette pratique en 2005 en regardant une vidéo du précurseur australien Juan Mann. J’ai été très touché.»  Puis un jour de novembre 2009, avec l’audace dont seuls sont capables les grands timides, Yago s’est lancé dans la gare de Lausanne, la boule au ventre. Le succès est au rendez-vous. «J’ai compris immédiatement que cela allait amener du positif dans le quotidien des gens et dans le mien.»
Presque dix ans plus tard, c’est encore le cas. Le trentenaire au regard lumineux s’installe sur le trottoir-ilot séparant la gare du Mac Do et dégaine sa pancarte. Certains passants l’ignorent. D’autres le regardent avec surprise,  amusement et bien plus rarement hostilité. Et finalement, après deux minutes de solitude, une femme se jette dans ses bras. C’est parti.
Cette première «victime» est une habituée. Yves-Alain en a beaucoup. «La plupart s’arrêtent systématiquement ou me tapent juste sur l’épaule en passant mais je ne connais pas forcément leur prénom ou leur vie. Une poignée d’autres restent me parler. Quelques-uns sont devenus des amis.» Le spectacle est fascinant. Avant le hug, les visages sont souvent éteints, fermés ou rivés sur d’hypnotiques natels...
Après, une éclaircie illumine les visages. Ce contact physique semble réellement avoir une valeur thérapeutique. «L’autre jour, un homme de 30 ans m’a avoué qu’il avait passé le tiers de sa vie en prison. Il a pleuré dans mes bras après m’avoir raconté la mort d’un proche.» Il y a quelques années, un autre homme s’arrête face à Yago et lui lance avec dédain: «On peut savoir ce que vous faites?» Mais la bienveillance et la chaleur humaine du câlineur le ramène en lui et ce médecin, lui aussi, finit par tomber le masque.
Il est en plein divorce. Sa fille vient de tenter de se suicider. Il est au bout du rouleau et pleure dans les bras de cet étrange jeune inconnu que l’on devine lui aussi un peu vulnérable mais du genre à l’assumer et donc à y puiser de la force.
Amour inconditionnel
Une autre fois, une touriste américaine saute sur Yago en criant que son guide touristique parlait de lui. «Assez souvent, des gens me disent aussi: ‘’Que Dieu vous bénisse!’’. Je ne suis pas croyant mais je suppose que mon geste peut faire écho chez eux à un Amour universel inconditionnel…», explique le Vaudois. Certains jours, il se demande un peu ce qu’il est encore venu faire là. «Mais la magie finit systématiquement par opérer et à la fin, c’est toujours valorisant de se dire: ‘‘aujourd’hui, j’ai pu faire du bien à d’autres!’’»