Chirurgie esthétique ratée: le combat d’un Lausannois contre les assurances

COUAC • Âgé de 21 ans, un Lausannois a choisi de se faire recoller les oreilles par une intervention chirurgicale, aux résultats hasardeux. Il se bat désormais contre les assurances pour se faire réopérer à Paris, aucun spécialiste en Suisse ne disposant des compétences requises.

  • Une opération de chirurgie esthétique n’est jamais anodine (Photo d'illustration) .  123RF

    Une opération de chirurgie esthétique n’est jamais anodine. (Photo d'illustration). 123RF 123RF

On pourrait l’appeler Dumbo, car il a souhaité garder l’anonymat. Mais c’est un pseudonyme qui ne prête pas vraiment à sourire. Car du Dumbo et autres quolibets du genre, ce jeune homme de 21 ans en a soupé durant toute son enfance, marquée par les moqueries et harcèlements incessants. Et pour cause: Ibrahim*, appelons-le comme cela, a les oreilles décollées. Très décollées, et il en a énormément souffert. Il y a deux ans, saisissant l’occasion d’une opération destinée à lui redresser le nez suite à un traumatisme et donc remboursée par les assurances, il se fait prêter de l’argent et, de sa poche, paye les 3000 francs nécessaires pour lui recoller les oreilles.

Seulement voilà, le résultat n’est pas du tout à la hauteur de ses attentes: «Au début on m’a dit: «c’est normal ça prend du temps, ça ira mieux après». Sauf que deux ans après, le résultat n’est pas bon avec de grosses cicatrices et mes oreilles anormalement rigides ne sont même pas symétriques».

Après plusieurs appels à l’hôpital vaudois où il a été opéré, et de nombreux mails sans suite, il apprend que le médecin qui avait procédé à l’intervention n’y travaille plus. De guerre lasse, et sur les conseils de nombreux avocats qui estimaient faibles ses chances d’obtenir réparation, il renonce à porter plainte et décide de consacrer ses efforts à réparer les dégâts. Problème: tous les chirurgiens capables de procéder à cette intervention, des spécialistes en chirurgie reconstructrice, estiment attestations à l’appui, qu’ils ne peuvent la pratiquer. Le seul à avoir cette aptitude est un médecin français Stéphane Guichard qui après avoir longtemps exercé aux HUG à Genève, s’est installé à Paris. Ni une ni deux, Ibrahim se rend dans la capitale française pour le consulter. Celui-ci après l’avoir examiné, confirme que les déformations sont dues à l’intervention subie deux ans plus tôt en Suisse, et qu’il n’y a pas, en Helvétie, «de chirurgien habilité pour ce type de chirurgie» réparatrice.

Réparer les dégâts

Reste un deuxième écueil: le financement de la reconstruction. Alors qu’en France celle-ci est prise en charge par la Sécurité sociale, en Suisse, l’assurance maladie de base refuse la demande d’Ibrahim, arguant qu’elle relève «de la chirurgie esthétique». «Si la personne réside en Suisse et que le traitement dont elle a besoin n’est malheureusement pas disponible, une prise en charge des soins dispensés à l’étranger par l’assurance-maladie obligatoire est envisageable, explique Christophe Kaempf porte-parole de Santé Suisse, la faîtière des assureurs-maladie. Celle-ci décidera, après consultation de son service de médecins-conseils, si les conditions sont réunies pour un remboursement». Évidemment, Ibrahim engage un recours, toujours pendant. Dans l’intervalle, il pense faire appel à sa complémentaire pour prendre en charge les quelque 17’000 francs que coûterait la réparation de ses oreilles, à Paris. Et ça tombe bien: les clauses mentionnées dans le contrat, y prévoient explicitement «la chirurgie esthétique des oreilles». Sauf que celle-ci refuse également, arguant du fait qu’elle ne rembourse pas les soins à l’étranger. «En ce qui concerne la prise en charge des soins à l’étranger par les assurances complémentaires, il n’y a pas de règles générales confirme encore Christophe Kaempf. Chaque assurance peut proposer des produits différents, adaptés aux besoins de sa clientèle.» Au bout de ce long processus, Ibrahim se dit complètement détruit: «Je suis à la fois dégoûté d’avoir été si mal soigné dans un hôpital suisse et psychologiquement détruit par le fait qu’aucune assurance n’accepte de réparer le préjudice que j’ai subi déplore-t-il, alors que mes certificats médicaux attestent bien de la nécessité de reprendre l’opération ratée à l’étranger puisque personne n’est capable de le faire ici».

La mort dans l’âme, le jeune homme espère désormais finir ses études dans quelques années pour consacrer ses premiers salaires à financer l’opération.

*prénom d’emprunt, identité connue de la rédaction