Bashkim Iseni, un «M. Immigrés» bien de chez nous

INTEGRATION • Succédant à Gabriela Amarelle, Bashkim Iseni est, depuis le mois de janvier dernier, le délégué à l’intégration de la Ville de Lausanne. Retour sur un parcours et une vocation.

  • Bashkim Iseni, délégué à l’intégration, responsable du Bureau lausannois pour les immigrés. CA

    Bashkim Iseni, délégué à l’intégration, responsable du Bureau lausannois pour les immigrés. CA

Avec un prénom pareil, on ne peut qu’être prédestiné à ce type de fonction. Depuis le début de l’année 2019 en effet, Bashkim Iseni est le délégué à l’intégration de la Ville de Lausanne et aussi le responsable du Bureau lausannois pour les immigrés. Bashkim, en albanais, signifie en effet «unité». Et pour ce fils d’ouvrier né en Macédoine, et marqué par l’éclatement sanglant de l’ex-Yougoslavie, ce nom sonne à lui seul comme un véritable programme, une invitation à jeter des ponts entre les communautés.

Le jeune homme arrive à 18 ans à Lausanne, pour y suivre des études. Hanté par les problématiques de société, celui qui plus jeune se voyait plutôt réalisateur de cinéma, décide d’opérer une réorientation radicale: ce sera sciences politiques. Durant ses études, son pays explose, un événement qui le conduit à décider de rester à Lausanne «la plus belle ville du monde, un vrai paradis», mais aussi d’entamer et de mener à son terme une thèse de doctorat consacrée aux nationalismes dans les Balkans. «C’était pour moi une manière d’exorciser cette histoire violente, une sorte de thérapie, qui avait aussi pour avantage de me barder de diplômes avant de rentrer au pays».

Naturalisation en 2002

Comme souvent c’est l’arrivée d’un enfant qui change les projets. Une véritable «bascule» qui le conduit à demander en 2002, la nationalité suisse, «une marque de respect et d’attachement, le symbole de l’appartenance à un pays». Après de longues années dans le giron universitaire comme assistant puis comme chargé de cours, l’homme, touche-à-tout, se frotte au monde des médias en fondant albinfo, un site internet, à but non-lucratif, destiné aux populations albanophones de Suisse. Le deuxième tournant aura lieu en 2018 lorsqu’il postule au poste de délégué à l’intégration, succédant à une certaine... Gabriela Amarelle, décédée durant ses fonctions. Avec un risque pour celui qui a toujours refusé d’être cantonné à une seule case, celui de, par la grâce de son patronyme albanais et son origine, de servir d’alibi aux politiques. Seulement voilà: avant de se voir comme le «M. Immigrés» de Lausanne, l’homme préfère mettre en avant son parcours universitaire et professionnel que son origine. «Je peux vous garantir que ni moi, ni la Ville, ne sommes dans une logique d’alibi ou de discrimination positive: le poste a été mis au concours avec des exigences sévères et pour convaincre, j’ai bien sué lors du processus de sélection. Le choix final s’est fait sur la base de mon cursus, de mes capacités à gérer des projets ainsi que sur mes réseaux au niveau cantonal mais aussi fédéral».

Au service des gens

Si le nouveau délégué concède toutefois incarner une forme de symbole - «une image positive pour d’autres» -, il est en réalité entièrement tourné vers sa tâche «au service des gens, comme c’est la norme en Suisse». Au service des gens, c’est pour lui se mettre au service de l’ensemble des Lausannois, tenant par exemple à ce que les prestations du Bureau des immigrés soient systématiquement ouvertes à tous: immigrés, sans-papiers aussi bien que Suisses.

Lorsqu’on lui demande de partager le résultat de ses réflexions après presqu’une année dans ses fonctions, le voilà qui soudain s’anime et commence à ébaucher les contours d’une action dont l’ampleur donne un peu le tournis: élargir la base des associations et leur participation aux démarches initiées, faire de la diversité un label lausannois, mettre les anciennes migrations au service des nouvelles, améliorer les prestations du bureau et mieux les planifier, mobiliser les administrations pour mettre en place des actions transversales comprenant santé, environnement, sport, etc.

«A Lausanne, les choses se passent bien, mais il ne faut pas nous endormir sur nos lauriers. Je reste convaincu que le niveau local est le premier stade de l’intégration. Or je constate que les réalités sont différentes selon les quartiers. Il est donc important d’imaginer des outils nouveaux pour que nous soyons tous réellement sur le même bateau.»

Et de se reprendre: «pas seulement sur le même bateau, dans la même cabine aussi!»