Dans les années 50, avec les lavandières lausannoises

Chaque semaine, Lausanne Cités en collaboration avec l’équipe du livre «Une journée à Lausanne» et les éditions Favre vous proposent deux photographies d’un même lieu à Lausanne, hier et aujourd’hui, accompagnées d’une anecdote y relative. Aujourd’hui, la buanderie Haldimand.

  • GEOFFREY COTTENCEAU

    GEOFFREY COTTENCEAU

«En 1950, j’avais 7 ans et j’habitais à la rue César-Roux 31. Je vivais chez mes grands-tantes, que l’on appelait simplement Les Tantes. Elles étaient blanchisseuses-repasseuses professionnelles et travaillaient chez elles à la maison. La buanderie Haldimand se dressait tout près, juste au coin de la rue de l’Industrie et du début de la rue du Tunnel. Une foule de femmes, blanchisseuses professionnelles ou simples ménagères venaient y frotter leur linge sale. C’était un signe ostensible d’appartenance au petit monde des lavandières lausannoises. L’eau ruisselait de partout, des volutes de vapeur se déchiraient en grimpant au plafond, des remugles de savon emplissaient l’air humide. Au fond se situaient les longues et étroites armoires de séchage. Leur masse noire m’impressionnait. Sur des fils, le buste tendu, les femmes suspendaient draps, torchons et serviettes. Les Tantes accédaient à ce temple de la propreté avec leur petit char. C’est aussi avec le petit char, véhicule en bois sur quatre roues dont deux orientables et guidées par un timon, qu’on allait livrer le linge fraîchement repassé et fleurant bon le savon de Marseille.

J’aidais les vieilles Tantes à le tirer et à décharger les piles de linge. Parfois, on me permettait de sonner à la plaque ripolinée. Quand la grande porte de chêne s’entrouvait sur le visage hautain d’un huissier, une bouffée d’encaustique mélangée à l’odeur du papier encré s’échappait des profondeurs des sombres bureaux.»

Xavier Koeb, architecte indépendant, 2021.