Tribune libre: "Vers la paix avec les drogues"

Pour Jean-Félix Savary, secrétaire général du Groupement romand d'études des addictions, Berne envoie enfin des signaux positifs vers une gestion plus réaliste et efficace du problème de la drogue.

Il n’y a ici aucune fatalité, mais une posture de responsabilité, pour que les drogues cessent d’être le seul domaine qui prospère en dehors de toutes règles.

Lausanne a longtemps fait figure de mouton noir de la politique fédérale en matière de drogues. Nos compatriotes alémaniques n’hésitaient pas à railler cette politique «à la française», faite de volontarisme et de postures martiales. Malgré des moyens renforcés, un harcèlement des dealers et des consommateurs, les drogues n’ont pas disparu. Les politiques qui ont échoué partout ne fonctionnent pas non plus à Lausanne. La force seule ne permet pas de résoudre les problèmes. D’ailleurs, même les pays qui pratiquent la peine de mort pour les délits liés aux drogues n’y parviennent pas davantage.

Dans le chaudron du débat sur le deal de rue, la complexité est progressivement apparue. Nous avons alors prudemment essayé des solutions pragmatiques qui fonctionnent dans les autres grandes villes de ce pays. Nous avons appris de nos échecs et écouté les besoins de la population. Une politique doit s’adapter à la réalité, et non l’inverse. Plutôt que de se lamenter sur l’imperfection de notre condition, il est temps de réduire les risques de leurs utilisations. Il n’y a ici aucune fatalité, mais une posture de responsabilité, pour que les drogues cessent d’être le seul domaine qui prospère en dehors de toutes règles. C’est le chemin qui s’ouvre pour Lausanne, qui rejoint les autres espaces urbains modernes qui cherchent des solutions pragmatiques.

Aujourd’hui, c’est un double signal qui nous vient de Berne. La commission santé du Conseil national lance une initiative parlementaire pour réguler sans attendre le marché du cannabis. Il est temps de libérer nos rues d’une partie de ses dealers et de commencer à contrôler un produit injustement défiscalisé. Par ailleurs, le Conseil fédéral publiait en même temps un rapport visionnaire pour les années à venir (Postulat 17.4076). Celui-ci pointe directement les manquements de l’approche répressive et dessine des voies innovantes pour l’avenir. C’est le moment de libérer nos forces de police pour des tâches plus urgentes, de mieux protéger la population et retrouver de la sérénité sur l’espace public. La Confédération nous encourage à reprendre le chemin de l’innovation. Alors allons-y!