Tribune libre: "L’injustice combattue par l’injustice!"

Pour Nadia Boehlen, d'Amnesty International Suisse, le paquet de lois antiterroristes adopté par le parlement fédéral pourrait viser des activités légitimes de journalistes ou de militants politiques.

Le vendredi 25 septembre, le Parlement a adopté sans sourciller un paquet de lois antiterroristes particulièrement controversées. La nouvelle législation entend par «activité terroriste» des «actions destinées à influencer l’ordre étatique» pas nécessairement par des infractions pénales, mais simplement par la «propagation de la crainte». Selon cette interprétation extrêmement floue, la loi pourrait donc viser des activités légitimes de journalistes ou de militants politiques.

Un arsenal de mesures policières renforce la possibilité d’agir en amont de toute infraction commise, sur la base du soupçon: assignation à résidence dès l’âge de 15 ans, interdiction de contact et interdiction de périmètre dès l’âge de 12 ans, notamment. A l’exception de l’assignation à résidence, prononcées par un juge, ces mesures seront ordonnées hors de tout contrôle judiciaire.

Contraires à la Convention européenne des droits de l’homme, ces peines privatives de liberté prononcées de manière préventive portent gravement atteinte aux droits fondamentaux. Elles sont également extrêmement problématiques sous l’angle de l’intérêt supérieur de l’enfant, ancré dans la Convention relative aux droits de l’enfant. Alors que l’étude de leur application en France montre une efficacité quasi nulle en termes de prévention du terrorisme, elles entraînent en revanche une stigmatisation et une criminalisation des personnes qui les subissent.

La Suisse s’engage sur un chemin dangereux dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, un chemin dans lequel tous les moyens sont justifiés et où l’injustice est combattue par l’injustice. Il faudra suivre d’un œil critique la mise en œuvre des nouvelles lois et défendre juridiquement les droits des personnes concernées!