Le spectre de la censure

L’installation d’art Real Human Bodies n’est pas une exposition comme les autres. Elle présente des corps humains plastinés, une technique qui stoppe la décomposition et permet la conservation, dans un but... pédagogique. C’est en tout cas comme cela qu’on la présente. A l’origine de ce type d’expositions, le Docteur Gunther von Hagens, une personnalité au parcours passionnant qui a mis au point cette technique révolutionnaire en 1977 déjà et qui permet donc, en quelque sorte, de rendre nos dépouilles immortelles ...

Après Genève, Bâle et Berne, où des expos similaires ont eu lieu, Lausanne aurait dû à son tour l’accueillir. Ce ne sera finalement pas le cas. En l’interdisant, la Municipalité a franchi le pas que ces autres villes n’ont pas souhaité faire, allant donc bien au-delà des polémiques qu’elle avait suscitées un peu partout. En cause, une plainte déposée par la branche helvétique de l’association «Action des chrétiens pour l’abolition de la torture et de la peine de mort» (ACAT) qui s’interrogeait sur l’origine incertaine des dépouilles utilisées. Interpellée, la Municipalité a demandé des garanties concernant la provenance des corps. Qu’elle n’a pas reçues, d’où l’annulation de l’exposition, confirmée par le Tribunal cantonal.

Dont acte! Reste tout de même comme un malaise qui fait resurgir le spectre de la censure. Car personne n’a l’obligation d’aller voir cette exposition qui, au demeurant, a aussi valeur pédagogique comme nombre de témoignages l’ont prouvé. Qu’on émette des doutes éthiques tout comme le risque d’un voyeurisme malsain est une chose, qu’on trouve un prétexte pour l’interdire alors que la plupart des autres villes suisses et européennes l’ont acceptée en est une autre.