«En l’absence de ce document, la caisse n’a tout simplement pas les moyens de calculer le montant à verser.»
Ivana Stano, cheffe de la Caisse cantonale de chômage du canton de Vaud
C’est une faille du système, une lacune administrative à l’origine de drames humains: après avoir effectué un petit travail tout en étant inscrit au chômage, un demandeur d’emploi risque d’être privé d’indemnités pendant des semaines, voire des mois. Il suffit en effet que l’employeur tarde à remplir le formulaire ad hoc pour que le versement des indemnités soit bloqué. «En l’absence de ce document, la caisse n’a tout simplement pas les moyens de calculer le montant à verser», explique Ivana Stano, cheffe de la Caisse cantonale de chômage du canton de Vaud. «Lorsque ce document fait défaut, on peut également supposer que le demandeur d’emploi continue à travailler et n’a donc pas droit à une compensation», ajoute Philippe Dessaux, directeur de la Caisse cantonale genevoise de chômage
Métiers plus touchés
Le chômeur dépend donc complètement de l’employeur pour pouvoir recommencer à toucher des indemnités, une fois le boulot terminé. D’après notre enquête dans les cantons de Vaud et de Genève, certains métiers seraient plus touchés que d’autres.
Thomas Graff, directeur de la caisse de chômage du syndicat SIT, à Genève, cite les employés des entreprises de nettoyage, les intérimaires, les extras de l’hôtellerie et de la restauration, ainsi que les auxiliaires du département de l’instruction publique (DIP). Dans le canton de Vaud, on mentionne aussi les interprètes, les traducteurs et les journalistes pigistes. En bref, toutes les professions où il est d’usage d’être payé avec retard.
«Typiquement, les auxiliaires du DIP doivent attendre un mois pour toucher leur salaire et obtenir l’attestation qui leur permettra de toucher la compensation du chômage. Cette situation est due à un système de facturation complexe, où chaque école doit justifier les heures de remplacement et envoyer ces justificatifs au service des paies», déclare Thomas Graff. D’autres cas sont imputables à des conditions de travail précaires qui incitent les employeurs à ne pas annoncer leurs employés aux assurances sociales, d’où leur «hésitation à remplir les attestations qu’ils devraient normalement fournir», selon Thomas Graff qui parle de «retards considérables».
4000 personnes dans le canton
En mettant les choses au pire, l’employeur refuse de payer le salaire en plus de tarder à remplir l’attestation. Le chômeur se retrouve alors sans salaire ni indemnités, c’est-à-dire avec zéro revenu, aussi longtemps qu’il n’arrive pas à résoudre le problème. En effet, ce n’est pas à l’assurance-chômage de le défendre vis-à-vis de son employeur.
L’intéressé risque même d’être sanctionné après coup pour avoir accepté un travail qui n’était pas convenable. Enfin, s’il ne parvient à se faire payer en totalité, la caisse est en droit de calculer son droit aux indemnités sur la base du salaire qu’il était «raisonnablement en droit d’attendre pour le travail effectué», d’après le site www.guideduchomage.ch. L’information est confirmée par plusieurs caisses vaudoises et genevoises.
L’ironie veut que les offices régionaux de placement encouragent les chômeurs à accepter les petits boulots pendant leur chômage: cela leur permet «de maintenir un rythme avec la vie professionnelle», lit-on sur le site de l’Etat du canton de Vaud. A noter qu’il y aurait actuellement au moins 2185 personnes en gain intermédiaire à Genève et 3987 dans le canton de Vaud, sur un total de 31’545 en Suisse, selon les chiffres du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco).
Francesca Sacco