Une agression a lieu tous les deux jours dans les trains des CFF

VIOLENCE • Les employés des CFF constatent un changement majeur: les actes délictueux sont maintenant perpétrés en plein jour. Autre évolution inquiétante, les agresseurs ne sont plus nécessairement alcoolisés ou drogués, mais font partie des voyageurs lambda. Explications.

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«Le personnel est formé à la gestion des conflits afin d’endiguer toute escalade»

Frédéric Revaz, porte-parole des CFF

Les insultes proférées à l’encontre du personnel navigant des CFF sont devenues très fréquentes, révèle un contrôleur. Cet employé, qui travaille pour la régie fédérale depuis dix ans, constate que la délinquance dans les trains a pris un nouveau tournant. «Autrefois, les agressions survenaient dans les déplacements de nuit ou le week-end. Aujourd’hui, ces délits se produisent à toute heure du jour et en semaine ainsi que sur l’ensemble des lignes», explique-t-il. Le profil des délinquants a aussi changé. «Les délits ne sont plus seulement le fait de personnes prises de boisson ou agissant sous l’effet de stupéfiants, mais relèvent de voyageurs simplement irrespectueux ou violents», affirme encore ce contrôleur. Côté statistiques, Frédéric Revaz, porte-parole des CFF, avance le chiffre moyen d’une «agression tous les deux à trois jours». Une tendance qu’il dit être restée stable. Les CFF ont en effet élaboré un véritable train de mesures pour lutter contre cette triste tendance. «Tout d’abord, le personnel est formé à la gestion des conflits afin d’endiguer toute escalade de la violence. Ensuite en cas d’agression, une plainte est automatiquement déposée et nos employés disposent du soutien psychologique de leurs pairs formés à cet exercice.» Dans les cas plus graves, c’est-à-dire lorsque l’employé est victime de violence physique, ce sont des psychologues, mandatés par les CFF, qui interviennent auprès du collaborateur et qui assurent une prise en charge de plusieurs semaines. C’est ce qui est arrivé au début de ce mois sur la ligne Lausanne-Genève, aux alentours de 17h: «J’avais pris un surclassement en première classe pour pouvoir travailler tranquillement, se souvient Martine*. Quand le contrôleur est arrivé, l’homme situé dans le compartiment derrière moi a commencé à devenir très agressif. Il ne voulait pas mettre son masque et n’avait pas de titre de transport. Rapidement, il a pété un plomb et a tabassé le pauvre contrôleur. Cet épisode a été très violent, je m’en souviendrai pendant longtemps.»

Trois millions de dégâts

Autre phénomène lié au comportement irrespectueux de certains voyageurs, la grande régie doit faire face à de nombreux cas de vandalisme, sans toutefois livrer de statistiques sur la nature des déprédations. Chaque année, les dommages causés se chiffrent à trois millions de francs. Pour renforcer la sécurité dans les trains, des patrouilles sont très régulièrement effectuées par la police des transports sur l’ensemble du réseau. Les unités de police locale sont aussi régulièrement sollicitées en renfort. Sans compter que depuis près de dix ans, les CFF ont mis en place des cercles de sécurité. De quoi s’agit-il? «Tous les mois, les représentants des forces de l’ordre et ceux du personnel évaluent la situation sécuritaire afin d’adapter le dispositif en fonction des risques», explique encore Frédéric Revaz.

Mais ce n’est pas tout. Toutes les gares du pays, la totalité des trains régionaux et la majorité des trains des grandes lignes sont dotées de vidéosurveillance. Les CFF montrent ainsi leur volonté de donner un coup de frein aux incivilités et agressions qui péjorent ou menacent la tranquillité des voyageurs et des collaborateurs. Si le défi est de taille, la régie assure tout mettre en œuvre pour y faire face.

*prénom d’emprunt, identité connue de la rédaction

TL: pas de hausse de la violence

Au sein des Transports publics de la région lausannoise (TL), on juge la situation en matière de violence plutôt stable. Ce que confirme Céline Epars, chargée de communication: «Nous n’avons pas relevé d’évolution, à la hausse ou à la baisse, des comportements inappropriés à l’encontre de notre personnel. Le nombre de cas traités est stable.» A quoi combien se chiffre-t-il? «Nous ne souhaitons pas transmettre ces données», précise Céline Epars. Avant d’ajouter: «Du fait de la configuration urbaine de notre réseau et des trajets courts, nous traitons très rarement des cas de conflits entre passagers. Notre premier axe de travail est de former nos collaboratrices et collaborateurs pour leur permettre d’adopter une attitude favorisant la désescalade. En cas d’agression, nous déposons systèmatiquement une plainte auprès des autorités compétentes.» FB

Des couacs qui vont bon train, l'éditorial de Fabio Bonavita

Une violence qui se banalise (lire ci-contre), des trains supprimés faute de conducteurs, des bons de réduction injustes, rien ne va plus au sein des Chemins de fer fédéraux suisses (CFF). Sans compter les innombrables retards qui agacent chaque jour les voyageurs.

Une situation incompréhensible à l’heure où les citoyens sont invités à laisser leur voiture au garage pour lui préférer le bon vieux rail. Au quotidien, les automobilistes optant pour les transports en commun ont de fortes chances d’être déçus par un service en décalage avec les beaux discours de l’ex-régie fédérale. Dans son dernier bilan d’activités, elle promettait, en effet, de mettre «l’accent sur la qualité, la stabilité de l’horaire et la planification des chantiers».

La réalité est bien différente: les couacs se multiplient et les CFF ressemblent toujours davantage à leurs homologues français de la SNCF. Pourtant, avec les moyens financiers dont ils disposent, ils devraient plutôt se rapprocher du modèle du genre: la société gouvernementale des chemins de fer japonais. Dans l’archipel nippon, le rail est vécu comme une passion nationale. Quand un train y arrive en retard d’une minute, une enquête est ouverte. Un souci d’excellence qui semble avoir définitivement quitté les CFF…